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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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que le Général a eu tranché en faveur de ma thèse, Olivier Guichard et Raymond Marcellin m’ont laissé faire : Guichard déléguait son directeur de cabinet à nos réunions, et Marcellin envoyait le sien.
    « Le travail a débuté dès juillet 1968. J’ai commencé à parler avec certains sénateurs, dont Dailly et deux ou trois de ses collègues. Mais le Général m’a dit : “Si on commence à négocier avec le Sénat, on renoncera à l’essentiel de la réforme. Non, n’ayez aucune négociation avec eux...”
    « J’ai travaillé tout l’été, à Paris et en Haute-Saône, avec des membres de mon cabinet et un fonctionnaire des finances.
    « J’étais prêt au début d’octobre, puisque tel était le calendrier fixé par le Général.
    « Mais le Premier ministre, lui, ne souhaitait pas que le référendum ait lieu avant dix-huit mois, car il voulait se laisser le temps de rétablir les finances, et souhaitait une dévaluation. Il a freiné autant qu’il a pu. Je l’ai trouvé lamentable. Je l’aime beaucoup pour sa gentillesse, il a été un merveilleux ministre des Affaires étrangères, mais il était très sceptique sur toute cette affaire. Il ne s’y est pourtant pas opposé de façon nette, mais il n’avançait pas, ne tranchait rien...
    « Quant à Michel Debré, il était évidemment hostile à toute régionalisation, mais je n’ai jamais eu la preuve qu’il ait freiné. Il désapprouvait, certes, en se contentant de refuser mes demandes de rendez-vous à ce sujet. Au moment où Maurice Couve de Murville a envisagé une dévaluation – laquelle a finalement été refusée par le général de Gaulle –, Michel Debré m’a écrit un mot où il me disait en substance que la situation était plus grave que je ne le pensais, et qu’il y avait autre chose à faire que de s’occuper de régionalisation ! »

    C’est vrai : au milieu de tout cela, la dévaluation avait été évitée de justesse, après un Conseil des ministres où seuls quelques membres du gouvernement avaient eu le courage de s’opposer à ce qu’ils pensaient être la volonté du Général.
    Ici, Jean-Marcel Jeanneney ne résiste pas à faire une digression à propos de Georges Pompidou. Sans que je le lui demande, il poursuit :
    « Cette dévaluation, c’était le résultat d’un complot de Pompidou, qui avait provoqué une panique dans les milieux financiers. Le franc plongeait. Toute la presse parlait de dévaluation inévitable, alors qu’il n’y avait pas mieux, pour scier l’image du Général, que de dévaluer.
    « J’ai demandé rendez-vous à Couve de Murville, que j’ai rencontré à 9 heures, le samedi matin, avant le Conseil des ministres qui devait entériner la dévaluation. Je lui ai prouvé que la dévaluation était techniquement évitable, et aussi qu’elle était politiquement inacceptable, puisque le gouvernement s’était engagé au contraire, et qu’au surplus le Général avait trouvé cette idée absurde.
    « Pompidou pensait, lui, de même que ses partisans restés au gouvernement, que mieux valait l’inflation que le chômage, que seule une dévaluation permettrait de maintenir le pouvoir d’achat. C’était dans sa logique. Encore que le devoir de réserve aurait pu lui imposer de garder le silence quelques mois seulement après avoir quitté Matignon.
    « Il reste qu’on devait, que nous devions à tout le moins nous demander si Georges Pompidou n’avait pas une frénésie de pouvoir, s’il n’avait pas envie de l’obtenir le plus tôt possible, s’il n’avait pas à se venger du Général qu’une telle mesure aurait déconsidéré.
    « Toujours est-il que, au Conseil des ministres, ce sont ses proches, Jacques Chirac et Albin Chalandon, qui ont été les plus fervents avocats de la dévaluation, finalement évitée au dernier moment. J’ai été totalement convaincu du rôle de Georges Pompidou dans cette affaire lorsque, en novembre 1968, après le Conseil des ministres extraordinaire, Georges Pompidou a fait son entrée dans le salon de l’hôtel de Lassay où Jacques Chaban-Delmas recevait. Il est allé droit vers Chirac et il lui a dit : “Bravo, vous au moins, vous ne vous êtes pas dégonflé !”
    « En ayant accepté de mettre aux Finances Ortoli et Chirac, des hommes liges de son prédécesseur, Couve avait fait preuve d’angélisme ! »
    Nous revenons au référendum, après ces quelques phrases proférées sans inimitié,

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