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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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avec même un souci d’élégance, mais avec plus qu’un soupçon d’indignation :
    « Le résultat, poursuit Jeanneney, est que nous avons pris alors trois mois de retard : le texte a été publié en novembre, et le référendum annoncé en janvier.
    « J’ai passé trois après-midi entiers avec le Général en octobre et en novembre. Il relisait avec moi ligne à ligne le texte en préparation. Il l’a corrigé de sa main.
    « Le 19 février 1969, au cours d’un déjeuner – c’était quelques jours après son discours de Quimper où il avait annoncé la date du référendum –, au café, le Général me demande : “Ce référendum, faut-il le faire ?” Je lui réponds : “Mon général, vous venez de l’annoncer. Mais ne vous engagez pas vous-même. Si vous voulez, je pourrais démissionner.”
    « Refus du Général : “Vous ne pensez pas, mon petit, me dit-il, que je vais vous laisser vous battre tout seul !” »
    Jeanneney me raconte longuement encore les quelques semaines qui ont précédé le refus du référendum et le départ du Général. Lors du dernier Conseil avant le scrutin, de Gaulle, qui revenait de l’enterrement d’Eisenhower, a eu une phrase du genre : « Les Français ne se rendent pas compte de ce que je représente. »
    Mais c’est la droite, me dit-il, qui n’a pas voté. Le Général avait sous-estimé la capacité de mobilisation des vieux sénateurs, qui, chacun dans leur région, se sont livrés à un lobbying électoral extraordinaire. « Tous les sénateurs, insiste-t-il, y compris ce salaud de Montalembert, un parent du Général ! » Il poursuit : « Dans la nuit affreuse où j’ai défendu le projet au Sénat, pas un seul des sénateurs gaullistes n’était présent. “N’y allez pas, m’avait dit un ami, vous risquez d’être giflé.” »

    20 novembre 1978
    Je suis encore sous le coup de ce que m’a raconté Jeanneney sur le « complot » Pompidou. Je rencontre Oliver Guichard à qui je demande quel a été son rôle, durant cette période-là, auprès de De Gaulle. Il me répond qu’il a été écarté du dossier référendaire au début de janvier. D’un référendum, oui, il avait été question en mai-juin 1968. Guichard y était à ce moment-là très hostile et c’est avec son accord que Georges Pompidou, alors à Matignon, s’était lancé dans des législatives.
    « Aucun rapport avec la fabrication du texte de 1969, qui a été longue et mal faite, me dit-il. On nous avait installés, Jeanneney et moi, au 80 rue de Lille, l’un sur l’autre, Jeanneney au premier étage et moi au rez-de-chaussée. Ça ne pouvait pas marcher. Nous avons travaillé ensemble jusqu’en décembre, tant bien que mal.
    « Dès le début, Couve, lui, a trouvé que c’était une mauvaise idée. Il a préféré s’en désintéresser. Très vite, le dossier de la régionalisation et le texte référendaire sont devenus notre affaire à tous deux. Mais ce système de duo a agacé le Général. Fin décembre, j’ai baissé les bras. Le Généralm’a bien convoqué avec Marcellin, Couve et Jeanneney, mais il s’agissait d’une réunion purement formelle. Jeanneney était maître d’œuvre et il a fait de ce texte une sorte de monstre à partir du début de l’année 1969. »
    À son sens, le général de Gaulle s’est-il politiquement suicidé ? A-t-il cherché et trouvé sa sortie ? Guichard ne le croit pas. Le Général pensait simplement qu’il avait raison. Lui, Guichard, pensait que ce référendum n’était pas une bonne idée, parce que mélanger le rôle du Sénat et celui des collectivités régionales était dangereux. Mais il n’était pas sûr d’un échec. Il me montre ses notes : presque tous les ministres et les hommes politiques de la majorité ont fait campagne : Chaban et Joël Le Theule à Nantes, Bettencourt à Nice, etc. Georges Pompidou lui-même, certifie-t-il, a mené une campagne active, pour des raisons évidentes : « Il ne voulait pas être accusé de n’avoir rien fait pour le Général. »
    Tout de même, si Georges Pompidou n’avait pas dit à Rome qu’il était prêt à occuper les fonctions présidentielles, pense-t-il que les Français auraient osé voter non, risquant ainsi le départ du Général ? Guichard réagit vivement à ma question :
    « Pourquoi Pompidou n’aurait-il pas lancé son appel de Rome ? Le Général lui avait demandé de quitter Matignon pour préparer sa

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