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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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verrez, mais, surtout, ne croyez pas un mot de ce qu'il vous dira. Il peut vous confier la tête de la liste, ou s'irriter au contraire que vous soyez en numéro 2 ! »

    Autre anecdote sur la dernière session extraordinaire demandée et obtenue par Chirac.
    Juillet demande à Debré de prononcer le discours de politique économique du débat.
    « Je ne suis pas contre, dit Debré, mais tout le monde attend que ce soit Jacques Chirac qui parle !
    – Si je vous disais, soupire Juillet, que tout à l'heure il m'a demandé au téléphone si vraiment il était utile qu'il y aille, à l'Assemblée ! »

    Donc, session ratée où Chirac paraît finalement assez marginalisé. Tout cela se terminant par l'idée, lancée par Giscard, d'un pacte entre les partis de la majorité pour assurer la toute-puissance de l'Assemblée nationale sur l'Assemblée européenne. Voilà qui est également assez flou. Assez pour que nous n'y comprenions plus rien.
    Jacques Wahl, secrétaire général de l'Élysée, rencontre Gabriel Farkas 17 qui lui demande comment le Président, à son tour, a pu présenter une affaire aussi mal ficelée.
    « Il ne l'avait pas préparée, répond Jacques Wahl, pris de court. Et puis que voulez-vous que je vous dise : c'est comme si Moïse, à la tête des Juifs, arrivant à la mer Rouge, avait eu à ses côtés un porte-parole lui disant : Allez-y, si vous traversez à pied, vous aurez droit à une page dans la Bible ! »

    Déjeuner avec Jacques Toubon – au cours duquel, comme à l'habitude, nous parlons de Jacques Chirac.
    Il paraît qu'à la suite de la rencontre entre Debré et Juillet – rencontre que Debré m'a lui-même racontée –, décision est prise de publier un communiqué. C'est Toubon qui le lit au téléphone à Chirac. Silence au bout du fil lorsqu'il en a terminé la lecture.
    « Alors ? demande Toubon.
    – C'est épouvantablement nationaliste, bredouille Chirac. On ne peut pas écrire un texte comme cela !
    – Mais enfin, est-ce si loin de l'appel de Cochin que vous avez signé ? risque Toubon.
    – Bof, convient Chirac, vous n'avez pas tort. Allons-y ! »

    29 mars
    Vu Pierre Hunt à l'Élysée. Pour lui, la démarche actuelle de Chirac sur la politique européenne de Giscard est « une entreprise qui a un caractère aventuriste ou qui relève de l'ambition personnelle ». Il me répète que Giscard ne fera rien pour changer de majorité : il a rapidement vu que sur la question européenne, le PS ne bougerait pas. Dès lors, il ne cassera pas la cohésion de la majorité, même si Chirac lui en fait voir de toutes les couleurs. Il ne croit pas, au surplus, qu'une motion de censure, quelle qu'elle soit, puisse être adoptée par le RPR. Les députés ne veulent pas se suicider et ils ont bien compris qu'ils le feraient s'ils la signaient !
    « Giscard, dit-il en s'en faisant l'interprète, pense qu'après 1981, il lui faudra certes une majorité soudée, dans l'esprit de la V e  République. Pour le moment, les élections européennes devraient accentuer le phénomène présidentiel autour de lui. Ce n'est pas pour lui déplaire. »

    31 mars
    Je reviens de la grand-messe RPR qui vient d'avoir lieu porte de Champerret sous un de ces chapiteaux de couleur qu'affectionnent les troupes gaullistes. Jacques Chirac ne me surprend jamais tout à fait, parce que rien ou pas grand-chose ne m'étonne de ce qu'il peut dire ou faire, mais là, ce soir, je trouve qu'il va vraiment loin !
    D'abord, un mot sur son courage physique : il paraît que sa blessure lui fait encore très mal, car ce n'est pas seulement la jambe, mais le bas de la colonne vertébrale qui a été amoché. On lui a donc confectionné, pour ce meeting précisément, une sorte de chaise haute, ou plutôt de tabouret sur lequel il peut s'asseoir sans en avoir l'air, tout en haranguant ses « chers compagnons ».
    Apparemment, la douleur n'a diminué ni son énergie politique ni sa détermination. Il faut l'entendre, dans ce discours de 30 feuillets, interrompu par 93 salves d'applaudissements – c'est ce que m'indique mon confrère de l'AFP présent dans la salle, qui les a comptées –, pourfendre Raymond Barre et sa politique, « trop brutale dans ses parties négatives, trop étriquée dans ses parties positives », un « hymne au libéralisme tous azimuts ».
    Il n'y a rien dans ce qu'il dit qui soit véritablement nouveau : il critique la politique du gouvernement depuis le

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