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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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disciplinés, restant à leur banc, immobiles pendant des heures, et gagnant la sortie à heures fixes. Pourtant, c'est par une grand-messe immuable et sacrée, celle du rapport-fleuve de Georges Marchais, qui a duré cinq heures trente, qu'a commencé le congrès, dans le plus pur style Maurice Thorez. Je dirais donc que la liturgie communiste a été respectée mais que la religiosité est moins marquée.
    Autre contradiction, de fond celle-ci : dans le discours de Georges Marchais, on trouve tout et le contraire de tout. L'estimation que le bilan de l'histoire de l'URSS est « globalement positif », et, en même temps, la condamnation du stalinisme ; l'alignement, grosso modo , sur les positions de Moscou en politique extérieure, et la proposition de nouveaux échanges avec le Parti communiste chinois ; la reconnaissance d'un nouveau communisme européen, l'eurocommunisme, et l'affirmation, dans la phrase suivante, qu'il ne s'agit pas d'un nouveau modèle ; le refus de recommencer la démarche du Programme commun, et, en même temps, l'affirmation qu'éventuellement, dans un avenir certes lointain, les discussions pourraient reprendre avec le PS ; la dénonciation des contestataires, et, en même temps, l'assurance que le PC traitera mieux désormais les intellectuels.
    Comme si Marchais avait voulu tenir compte de tous les arguments échangés par les auteurs des tribunes de discussion.
    Restent, au-delà des contradictions ou plutôt des divergences réelles qui se manifestent au sein du PC, deux idées maîtresses qui sont celles de ce XXIII e  Congrès : d'abord que, contre le Parti communiste, parti des pauvres, parti de la classe ouvrière, se livre en ce moment une véritable guerre idéologique, que le PC est isolé et que ses dirigeants sont la cible d'attaques venues de tous côtés ; ensuite – seconde idée-force liée à la première – qu'au bout de la chaîne des ennemis des communistes se trouvent les socialistes. Oui, le PS a été, tout au long du congrès, l'ennemi privilégié. À toutes les occasions, dans chacune des interventions, il a été désigné comme ayant partie liée avec le grand capital : c'est lui qui a dupé les travailleurs, lui qui a menti, lui qui a suscité chez eux des illusions dangereuses. Tout cela pour rejoindre le camp, le clan du capital national et international.
    Sur ce point précis, aucun doute : tous les congressistes ont partagé l'analyse de Georges Marchais. Ils la partagent d'autant plus que ceux qui pensaient le contraire, comme Jean Elleinstein, n'ont pas pu franchir les barrages ni donc être désignés pour intervenir au congrès.
    Voilà le PS devenu le maudit animal, le pelé, le galeux d'où vient tout le mal ! Jusqu'à 1981, ou non ?

    J'ai à peine fini ces lignes récapitulatives que Georges Marchais, costume beige, chemise rose, cravate rose et beige, entame une nouvelle conférence de presse. Il nous dépeint un parti ouvert à la réflexion, où, contrairement à ce que nous pensons, « rien n'est jamais tout blanc, jamais tout noir : c'est infiniment plus complexe que cela ! ». Quant aux contestataires, « leur vent n'est qu'un frémissement » qu'il n'entend pas surestimer.

    13 mai
    Le congrès s'achève sur un coup de théâtre que je n'avais pas vu venir. Ce dimanche matin, Gaston Plissonnier, l'éternel homme de l'organisation du Parti, a lu de sa voix appliquée, devant les 2 000 congressistes, la liste des membres du bureau politique du PC élus par le nouveau comité central. Un long coup de chapeau à Étienne Fajon, atteint par la limite d'âge, suivi de l'annonce, ovationnée, de la réélection de Georges Marchais comme secrétaire général. Puis il donne la liste du secrétariat du Parti. La salle ne bronche pas.
    Dans les rangs de la presse, ce sont les journalistes communistes de L'Humanité qui, les premiers, s'agitent : Roland Leroy, leur patron, n'a pas été réélu au secrétariat.
    Trois quarts d'heure plus tard, je regagne le parking lorsque la voiture de Roland Leroy, une R30 gris métallisé, s'arrache d'une allée. Leroy, livide (ou bien est-ce moi qui l'imagine ainsi ?), assis aux côtés de son chauffeur, quitte la salle omnisports de Saint-Ouen. Il ne participera pas au déjeuner final qui réunit dans une joyeuse fraternité les autres membres du secrétariat.

    En fin d'après-midi, mon ami Michel Cardoze me dit que Roland Leroy, un peu crispé, leur a expliqué que, directeur de

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