Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
saoudite. Toutes les femmes, journalistes, politiques, femmes de ministres ou de leaders politiques, y sont, à l'exception de Simone Veil – qui juge sûrement pitoyable la condition de la femme en Arabie saoudite – et Anne-Aymone Giscard d'Estaing.
Bernadette Chirac dit à Florence d'Harcourt : « Je suis la conseillère de mon mari, maintenant. »
La police fait irruption dans les locaux du Parti socialiste, cité Malesherbes, après que la radio du PS a émis une émission pirate. Ridicule à plus d'un titre, même si la loi est la loi. Mais je croyais justement que quelques giscardiens avaient décidé eux aussi de ne pas l'appliquer. Bref, les flics entrent, Mitterrand est appelé, Quilès pique une colère, seul Fabius reste impassible et ironique devant les forces de l'ordre.
Dernière information enfin sur Simone Veil : après la réception annuelle offerte par le Premier ministre aux parlementaires dans les jardins de Matignon, elle me dit : « Si les choses se présentent bien, il se peut que je sois présidente de l'Assemblée européenne en juillet. Mais rassurez-vous, si je ne le suis pas, je m'en remettrai ! »
S'il s'agissait de n'importe quel homme politique, je ne croirais pas à sa sincérité. D'une femme en général, et d'elle en particulier, j'y crois.
26 juin
Débat sur la peine de mort à l'Assemblée nationale. Le discours d'Alain Peyrefitte est à proprement parler un modèle du genre. Il est contre le principe de la peine de mort, il l'a même en « horreur », il me l'a dit, l'autre jour, les yeux dans les yeux dans son bureau, à la Chancellerie. Contre la peine de mort sauf... Sauf dans les cas où elle s'applique encore ! C'est-à-dire crimes d'enfants, crimes contre les vieillards.
Bref, un discours alambiqué. Et un débat sans vote. Pourquoi sans vote ? Parce que, pour la première fois sans doute depuis plusieurs siècles, il pouvait aujourd'hui y avoir une majorité abolitionniste : si on additionnait tous les députés de l'opposition et une cinquantaine de députés de la majorité – Philippe Séguin, Paul Granet, Bernard Stasi... –, il est certain que la peine de mort aurait été abolie. Seulement voilà : cette majorité – qui était celle de la loi sur l'avortement –, Giscard n'en a pas voulu. Ce n'est pas faute d'avoir accumulé les prises de position sur le sujet 31 . C'est tout simplement parce que Giscard a eu peur, cette fois, de son électorat. Alors, pourquoi avoir organisé ce débat sans vote ? Mieux valait ne pas parler de suppression de la peine de mort, si c'était pour dire, comme l'a fait grosso modo Peyrefitte, qu'on était contre, mais finalement pour !
1 er juillet
Michel Debré et Jacques Toubon me parlent de la même façon de Jacques Chirac : où va-t-il ? vers un rapprochement avec Giscard ? mais à quel prix, et n'est-il pas trop tard ? Peut-il encore changer ? Et dans quel sens ?
Quelques indices : d'abord, le triomphe de Bernadette (voir supra le déjeuner à l'ambassade d'Arabie saoudite) ; ensuite, le fait qu'il ait annulé les dernières élections au comité central du RPR, ce qui prouve qu'il aurait désapprouvé Pasqua ; le fait qu'il ait interdit à Jacques Toubon et à Charles Pasqua de voir et même d'appeler Pierre Juillet ou Marie-France Garaud ; enfin le triomphe d'Alain Devaquet, nouveau promu dans l'entourage de Chirac : celui-ci confie à André Chambraud – bien prématurément, il me semble – qu'il a désormais les rênes du pouvoir au RPR.
Indices capitaux au moment où j'écris : tout cela montre sa volonté de mettre fin à une certaine hystérie anti-Giscard. Mais pour combien de temps ?
François Mitterrand, rencontré aujourd'hui : je le trouve beaucoup moins consensuel qu'il avait essayé de le paraître la dernière fois que je l'ai vu. Il envisage sans déplaisir, s'il le faut, une scission avec Michel Rocard, sachant qu'il va soit marginaliser Mauroy, soit le réduire à néant.
Il s'interroge devant moi : « Échouer, qu'est-ce que cela veut dire ? Si j'avais voulu, j'aurais pu, je pourrais toujours être Premier ministre dans six mois. J'ai voulu suivre la même longue marche que Léon Blum. Combien de temps a-t-il fallu à Blum pour réussir ? Énormément de temps. Et je note qu'il a fait le Front populaire deux ans après une scission du Parti socialiste. Alors 32 ... »
Est-ce à dire qu'il recherche une scission ? Rien, en tout cas, ne
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