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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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l'espace de quarante-huit heures, et je suis en mesure, cette nuit, de faire ce récit, quitte à ce qu'il soit étoffé et nourri par la suite.
    Cela commence par un flash-back. Nous sommes le dimanche 26 novembre 1978. Pierre Juillet pénètre à l'intérieur de l'hôpital d'Ussel. Devant lui, sur un lit, Jacques Chirac, seul. La veille, les deux hommes ont mis au point le texte d'un appel sur l'Europe. Puis, Pierre Juillet est reparti dans la Creuse, laissant Jacques Chirac et Bernadette à Bity où ils attendent Claude Pompidou qui doit inaugurer le lendemain un bâtiment de la fondation présidée par l'épouse de l'ancien président de la République. C'est en allant retrouver les deux femmes que la voiture de Jacques Chirac, qui n'est pas conduite par son chauffeur habituel, dérape sur la glace.
    Si Jacques Chirac est seul lorsque Pierre Juillet entre dans sa chambre d'hôpital, c'est que sa femme, déjà alertée, l'a vu, s'est assurée de son transport à l'hôpital d'Ussel depuis les lieux de l'accident, puis est allée avaler rapidement quelque chose avec Claude Pompidou au restaurant d'à côté. Elle a pris le temps de faire prévenir Juillet et n'a laissé son mari seul dans sa chambre que pendant une petite demi-heure. Elle ne pardonnera pas à Pierre Juillet d'avoir raconté le soir même, paraît-il, à l'entourage immédiat de Chirac, rue de Lille : « Il était abandonné lorsque je l'ai retrouvé. »
    Cela fait plusieurs mois que Bernadette juge sévèrement Juillet et Marie-France Garaud. Bernadette vit à l'Hôtel de Ville, Garaud et Juillet se partagent entre le siège du RPR, rue de Lille, et leur QG, un grand appartement, quai Anatole-France. Entre l'Hôtel de Ville et la rue de Lille, une véritable guerre de tranchées oppose Jean Tiberi, Denis Baudouin, Michel Boutinard-Rouelle, Roger Romani, à l'état-major de la rue de Lille que dirigent Juillet, Marie-France Garaud, avec Charles Pasqua et Jacques Toubon.
    Ce qui change après le 26 novembre, c'est que, par la force des choses, Bernadette se met à jouer un rôle capital : transporté à Cochin, Jacques Chirac a besoin d'elle. Elle ne le quitte pas. Elle s'installe dans la chambre voisine, surveille infirmières et médecins, veille jour et nuit sur son malade.
    Or Bernadette, tout juste élue aux cantonales de Sarran, en Corrèze – preuve qu'elle refuse de n'être que « la femme de... » –, a son opinion sur les rapports que Chirac devrait entretenir avec Giscard. Est-ce l'influence de la sœur de Giscard, Isabelle du Saillant, dont elle est l'amie ? En tout cas, Bernadette Chirac pense que Chirac devrait considérer la mairie de Paris comme une position d'attente, sans défier frontalement le président de la République.
    Arrive le jour de l'appel de Cochin, le 6 décembre 1978. Comment se porte Chirac ce jour-là ? Sans doute assez bien pour accepter une bonne fois le texte qui a été élaboré avec Pierre Juillet onze jours auparavant. Toujours est-il que Bernadette Chirac se plaindra, huit jours plus tard, à Maurice Druon de la façon dont Marie-France Garaud et Pierre Juillet ont exploité la fatigue de Jacques Chirac pour rendre public leur appel. Maurice Druon a raconté la scène à Michel Droit qui me l'a rapportée illico.
    Elle se plaindra de la même façon à Michel Debré, venu rendre visite à Chirac le 10 décembre. À noter que même Debré, pourtant sur cette ligne, s'est étonné de la vigueur de l'appel de Cochin 30 .
    Pendant le temps que dure l'hospitalisation de Chirac, la tension est grande entre la rue de Lille et l'Hôtel de Ville.
    Lorsque Chirac sort de l'hôpital, sa première apparition publique, le 31 janvier 1979, est réservée au dîner offert en l'honneur du patron du fameux hôtel des Baux-de-Provence. À la fin de ce dîner, où elle se trouve aux côtés de Michel Droit, Bernadette Chirac se plaint de l'influence néfaste qu'exerce sur son mari le tandem Juillet-Garaud. Elle n'hésite pas à dire qu'elle trouve leur stratégie suicidaire, qu'il faut être fou pour ne pas comprendre que la V e  République étant ce qu'elle est, la légitimité est du côté de Giscard.
    C'est en février qu'elle aurait dit pour la première fois : « Je me tais jusqu'au 10 juin, mais après, ce sera elle ou moi. »
    Quelques semaines plus tard, réunion électorale, le 31 mai, salle Wagram, dans le XVII e  arrondissement. Bernadette apostrophe Jacques Toubon : « Vous direz à

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