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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Dayan était de votre avis, il pensait qu'il fallait transiger. Je lui ai dit non. Il y a des moments dans la vie où il faut faire connaître où est l'autorité. Je l'ai fait. »
    Il se tait quelques instants, puis : « Mais si c'était Mauroy qui pouvait être candidat en 1981, je veux dire qui soit en situation de l'être, je préférerais... »
    Un camion qui manque de nous écrabouiller contre un autre nous rend silencieux pendant plusieurs minutes.
    Puis je me lance dans une question difficile : « Voilà ce qui me gêne, lui dis-je. Ne râlez pas tout de suite, et laissez-moi finir. Si vous obtenez 49,5 % des voix au deuxième tour, comment pourrez-vous apporter au pays la preuve que Rocard n'aurait pas gagné ? »
    À ma surprise, il répond : « C'est le vrai problème ; c'est sans doute la question à laquelle je ne peux pas répondre, mais qui doit entrer dans ma décision, dans ma réflexion. C'est cela, évidemment, qui peut éventuellement me dissuader de me présenter. »
    Je comprends que sa réflexion est celle-ci : s'il choisit de se présenter – ce qu'il pourrait faire sans difficulté, il suffit que 60 fédérations le lui demandent – il n'y a plus, dans ce cas, ni calendrier ni processus à suivre. Il est candidat, point final : tous les autres s'écrasent. S'il ne l'est pas ? « Rocard le sera », ça lui paraît une certitude. Il y aura sans doute d'autres candidats au PS : Jean-Pierre Chevènement, peut-être un autre. Mais les militants et les dirigeants préféreront Rocard, même si, selon Mitterrand, celui-ci « est générateur de tensions au sein du PS ».
    Dans ce cas, double possibilité. Ou bien Rocard perd : il est battu, pas de problème, Mitterrand garde le parti pour les législatives. Ou bien Rocard gagne : « Alors, dit Mitterrand, nous entrons dans une autre République. Rocard, élu, aura besoin de moi. Il fera élire des députés, mais ce seront ceux que je présenterai. Il y aura entre lui et moi une dialectique Auriol-Blum 41 . Ce sera la fin de la V e  République, le début de la VI e . Cela, les commentateurs ne le voient pas. Si Rocard est élu, il entre dans une phase de négociations entre Giscard, Chirac et moi. Il faudra bien qu'il dispose d'une majorité pour que les lois soient votées. Il sera au pied du mur.
    – Mais alors, dis-je, les avantages qu'il y a à ce que Rocard se présente ne sont pas supérieurs aux inconvénients qu'entraînerait votre candidature ?
    – Non, répond-il, on ne peut pas comparer les avantages et les inconvénients de sa candidature et de la mienne. On peut comparer les avantages et les non-avantages de son élection ou de sa non-élection, de son exercice du pouvoir et du mien. »
    Quand Mitterrand fera-t-il mouvement ? Il fera connaître sa décision autour du 19 octobre.
    Nous parlons rapidement de Giscard. « Curieux, dit Mitterrand d'un air détaché, il n'est pas parvenu à décoller... »
    Puis de J.-J. S.-S., sur lequel il est, depuis peu, beaucoup plus positif – sans doute parce qu'il ne joue plus dans la même catégorie que lui : « Il ne fait pas de démagogie, il dit exactement ce que j'ai envie de dire en se fichant des sondages. Sur la loi Peyrefitte, par exemple, la loi Sécurité et Liberté, je suis sûr que la majorité des Français lui sont favorables. C'est mal, d'être contre ! Eh bien lui, pourtant, il le dit haut et fort ! »

    Retour en vacances. Tout va (je reprends ces notes après un bain et quelques verres) dans le sens de la candidature de Michel Rocard. Je garde néanmoins en tête ces trois phrases de Mitterrand : « S'il se présente, la France entière sera stupéfaite. » « S'il se présente, je garde le Parti, quoi qu'il arrive ! » « Ne croyez pas que je sois usé. Mais, après tout, si, en 1981, Rocard est battu, ce sera la deuxième fois qu'il se sera présenté. En 1988, il aura 58 ans – et moi, vous voyez ce que je veux dire, je n'en aurai que 71 ! »

    25 août
    Je trouve à Paris, en revenant de vacances, deux lettres de Michel Debré écrites depuis sa maison de Préfailles pendant le mois d'août. Jamais candidature n'a été plus inutile que la sienne, mais jamais plus sincère. Il croit vraiment – et d'ailleurs, c'est vrai – qu'il est le seul à pouvoir dire certaines choses. Parce qu'il se fiche des sondages, qu'il est persuadé que la France s'en va parce qu'elle ne sait pas où elle va. Aucune illusion sur les

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