Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
regagnons derrière Mauroy l'héliport non sans avoir eu beaucoup de mal à retrouver au préalable les voitures qui nous avaient pris en charge !
Épilogue comique d'une campagne où le Premier ministre – puisque Premier ministre il y a – m'a paru assez bien dans sa peau. Il s'est coulé dans le rôle de chef du gouvernement comme s'il exerçait ces pouvoirs-là depuis des années : un élève de Guy Mollet et de François Mitterrand à la fois réserve ainsi bien des surprises !
Dans l'hélicoptère du retour, bien qu'il soit très tard – 2 heures du matin largement passées –, il ne résiste pas à l'envie de nous raconter une fois de plus son dîner, en 1978, chez Gaston Defferre, à Saint-Antonin. Celui-ci avait invité Mitterrand et Mauroy aux fins de les réconcilier pour qu'ils vident leur sac avant le congrès de Metz. Edmonde Charles-Roux 40 sert elle-même à table, debout derrière les hommes. Nul n'y prête cas, hormis Pierre Mauroy qui se lève et attend qu'elle s'assoie. Edmonde Charles-Roux lui explique : « Non, non, pour les sujets importants, je laisse les hommes entre eux ! »
Ce soir-là, la réconciliation est en marche. Mais deux jours plus tard, c'est le fameux « appel des 30 » signé, entre autres, par Michel Rocard et Pierre Mauroy, suivi d'une brouille plus grave entre Mitterrand et Mauroy.
Tout cela semble aujourd'hui bien effacé.
Pour l'avenir, la seule confidence que laisse échapper Mauroy au retour de Provins, c'est qu'il souhaite – pour les neutraliser, précise-t-il – la présence de ministres communistes au gouvernement. Il ne dit pas que François Mitterrand lui-même en veut, il ne dit pas non plus le contraire. Je connais néanmoins assez Mauroy pour savoir que s'il s'enhardit à dire cela, tout juste nommé Premier ministre, c'est qu'il est sûr de ne pas être contredit dans quelques jours par le Président.
21 juin
Deuxième tour : confirmation et amplification des résultats du premier tour 41 .
23 juin
Effectivement, des ministres communistes dans ce nouveau gouvernement, il y en a, et même quatre 42 ! Dont Charles Fiterman, ministre d'État, ce qui n'est pas rien. Je ne peux m'empêcher de penser que Mitterrand charge un peu la barque. Qu'il a préféré son image personnelle, celui de l'homme qui a mis fin à des années de rupture entre le PS et le PC, qui a fait ce qu'il avait annoncé dans son programme, aux dangers qui menacent le franc et l'équilibre monétaire de la France.
Ce n'est un mystère pour personne que Michel Jobert et Jacques Delors pensent et disent que la présence des communistes à leurs côtés risque d'atténuer la confiance, combien fragile, que manifestent au nouveau gouvernement de la France les milieux financiers, nationaux et internationaux.
Peut-être, dans l'esprit de Mitterrand, y a-t-il surtout l'idée qu'il vaut mieux forcer les communistes à prendre leurs responsabilités au moment précis où ils sont le plus faibles depuis 1945. Les laisser en dehors de l'expérience gouvernementale en cours, ce serait risquer de les voir, à un moment précis, face à la première difficulté, reprendre leurs distances et tirer à boulets rouges sur les socialistes.
Enfin, que dire ? Comme copains, j'aime bien les communistes, mais je me méfie de l'image qu'ils renvoient aux autres. C'est tout à fait hypocrite, j'en conviens. Mais André Rousselet, avec qui j'en parle et qui n'est pas plus enthousiaste, m'assure : « C'est le seul moyen de les liquider ! »
Mauroy disait : les neutraliser. André Rousselet va plus loin. Qu'est-ce que cela donnera au gouvernement, et pour combien de temps ? En tout cas, aujourd'hui, il n'est question que de cela. Malgré les assurances publiques qu'avait données Mitterrand, le monde politique, à droite, bien sûr, mais pas seulement, chez les rocardiens aussi, ne voulait pas y croire. La nomination des quatre ministres communistes est ce que la presse – et sans doute les Français – retient de la formation du second gouvernement Mauroy constitué d'après la majorité législative qui recouvre et corrobore la majorité présidentielle du 10 mai dernier.
24 juin
Voilà donc Fiterman, Anicet Le Pors, Jack Ralite et Marcel Rigout devenus en une matinée les vedettes du gouvernement. Il fallait les voir aujourd'hui, arriver ensemble et en avance au Conseil des ministres. Charles Fiterman, pourtant particulièrement peu jovial, s'est montré le plus
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