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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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renseigner à temps les journalistes, les ont au contraire tenus à l'écart. Il en convient sans difficulté.

    20 août
    Vite, avant qu'elles ne s'effacent, les deux entrevues que j'ai eues avec Pierre Mauroy et avec François Mitterrand...
    Avant-hier, Pierre Mauroy : rien en lui n'a changé, je trouve, ni sa tolérance, ni sa façon de se tenir, de parler aux autres, ni surtout son jugement amical vis-à-vis de ceux qui l'entourent. Il me raconte l'histoire de l'espion soviétique détenu par les services secrets, histoire dont on l'a avisé dès son arrivée à Matignon. Lesdits services ne voulaient pas le garder 107 ans, ils auraient souhaité s'en débarrasser, mais ils ne trouvaient pas à l'échanger.
    Deux jours plus tard, un fonctionnaire est-allemand de l'Unesco est enlevé, ramené à Berlin-Est. Sous quel prétexte ? Il s'agit d'un espion occidental, disent les autorités de l'Est, qui, naturellement, proposent son échange. Tout cela, monté de toutes pièces, n'est connu des services spéciaux français que parce que la mère du diplomate allemand de l'Unesco prévient sa belle-fille, restée à Paris, qu'elle ne doit pas s'inquiéter, puisque son mari va rentrer bientôt en France. L'échange a donc eu lieu. Fin de l'histoire, qui a tout de suite montré à Mauroy la diversité des secrets que l'on détient lorsqu'on est Premier ministre !
    Suit une conversation sur les écoutes téléphoniques : Mexandeau, paraît-il, s'irrite de devoir signer les commandes d'écoutes téléphoniques sans même avoir le droit de savoir qui est écouté. En fait, me dit Mauroy, à part les écoutes du grand banditisme, seuls sont écoutés les gens dits dangereux. Il a eu la surprise, huit jours après son entrée à Matignon, de voir un de ses collaborateurs directs sur la liste des « correspondants » d'un individu écouté. André Chadeau lui a assuré que cela ne prêtait pas à conséquence, qu'il arrivait effectivement qu'à force de surveiller quelqu'un, les services de police en arrivent à répertorier ceux qui lui téléphonent. « Et puis, dit Mauroy en riant, j'ai été complètement rassuré lorsque j'ai vu deux ministres, à leur tour, apparaître parmi la liste des écoutes ! »
    Il a fait le tour des bureaux de Matignon, autour du 15 août, pendant que tout était désert, et constaté la place énorme qu'occupaient les collaborateurs du secrétaire général du gouvernement, Marceau Long, au détriment de ses propres collaborateurs. Toujours des problèmes de bureau !
    J'entends dire que tout le monde, les nouveaux ministres surtout, ne cesse de se plaindre de l'exiguïté de leurs installations. Il faut dire que l'arrivée au pouvoir de la gauche a été marquée par une inflation des membres des différents cabinets. Entre les proches des ministres, plus politiques qu'administratifs, les énarques de gauche, qui débarquent dans tous les ministères (sauf peut-être précisément à Matignon), les responsables de l'administration précédente qui restent en fonction car ils sont au courant de tout ce qui se passe, cela fait beaucoup de monde.

    Le lendemain, François Mitterrand. Ciel ! Quelle douche ! Est-il donc devenu en quelques semaines à ce point intolérant ! En si peu de temps ! Et au moment où la vie lui a souri !
    Je le retrouve comme en 1978, après son échec, aigri, persuadé que la presse ne cesse de comploter contre lui. Comme s'il ne savait pas (d'ailleurs, lorsque je le lui dis, il a l'air de ne pas le savoir) que les journaux, télévisés ou écrits, le ménagent plutôt, et essaient pour le moment de ne pas trop parler de l'inflation et du chômage. Pas plus, soit dit en passant, que de sa vie privée ! Il ne retient que quelques commentaires, même pas vraiment désagréables, sur l'Iran, comme si, désormais, il ne s'attendait plus qu'à l'éloge de sa politique.
    Il me parle de Pierre Desgraupes et de François-Henri de Virieu 48 pour condamner le 20 heures d'Antenne 2, l'esprit des journalistes et des présentateurs qui le font.
    Quant à moi, il me dit que, lors de la passation de pouvoirs, j'ai fait trop de ronds de jambe à Jacqueline Baudrier. Je n'épilogue pas sur les ronds de jambe ; en revanche, j'invoque la volonté des journalistes de faire sinon de leur mieux, du moins le moins mal possible pour couvrir l'actualité. Il me balance, sévère : « Excusez-moi, mais vous n'avez que des arguments spécieux. »
    Inutile de préciser que je ne

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