Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
d’articles : pour commencer à siéger, la CNCL, que préside ce cher Gabriel de Broglie, devra attendre une bonne dizaine de décrets réglementant et ordonnant son fonctionnement.
Même chose, ou à peu près, pour la réforme des hôpitaux. Là encore, objectif simple : modifier l’organisation interne des hôpitaux, y faire entrer une parcelle de privé. Mais voilà le projet, élémentaire dans son principe, qui s’alourdit aussitôt de mesures réglementant les activités, libérales ou pas, des praticiens, et qui crée dans le même temps une commission nationale et une commission locale de contrôle...
Quant au nouveau droit de la concurrence, le voilà doté d’une centaine d’articles, pour le moins, dont la moitié environ énumère contraintes, contrôles et sanctions prévues.
Je m’étonne de voir ceux qui se prétendent libéraux l’être beaucoup moins que la plupart des gens que je connais.
10 novembre
Inouïe, cette histoire de l’interview de Jacques Chirac au journaliste Arnaud de Borchgrave, du Washington Times ! D’abord parce qu’il a confondu le Washington Times , journal ultra-conservateur plus ou moins financé par la secte Moon, et le tout-puissant Washington Post , celui de Bernstein et Woodward. Il a donc cru parler au grand Washington Post alors qu’il s’agissait du petit Washington Times !
Ensuite parce qu’il a été d’une inconcevable naïveté : il a déclaré à Borghrave qu’il ne voulait pas accorder d’interview et a cru que celui-ci se contenterait d’une conversation off , comme on dit, avec lui.
Résultat : sur la forme, il s’exprime, dans le texte rendu public, comme il est en réalité : net, trop parfois, avec ce mélange de cruauté et de sincérité, de conviction et de cynisme qui le caractérise. Sur le fond, il formule une condamnation, alternativement sévère et, ce qui est pire, ironique de la politique des États-Unis au Moyen-Orient. Avec quelques morceaux qui valent leur pesant de cacahuètes ! Cette phrase, par exemple : « Si tout ce que peuvent faire les États-Unis, c’est d’aboyer, alors mieux vaut rester silencieux ! »
Cela étant, sous la forme d’une interview qui n’en était pas une, Chirac dit tout haut, de façon précise, ce qu’il pense tout bas : qu’il n’y a pas de solution au Liban qui ne passe par la Syrie. Que sa politique vise à maintenir à tout prix des liens avec les pays arabes. Enfin, que la France ne changera pas de politique à l’égard des pays du Moyen-Orient, même si les États-Unis le lui demandent.
Plus j’y réfléchis, moins je crois à l’hypothèse d’une naïveté de Chirac. Il avait des choses à dire aux États-Unis, il a volontairement feint de le dire sans le vouloir, comme s’il avait été piégé. Mais il a dit son fait au président américain. Et il a défendu une politique arabe de la France à côté de laquelle celle de Claude Cheysson ou même celle de Roland Dumas apparaissent comme modérées !
12 novembre
Naïveté ou réalisme ? Les propos de Jacques Chirac, qui ont suscité la fureur de certains, en France et de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique, prennent une autre couleur quand on sait que deux otages détenus au Liban, Marcel Coudari et Camille Sontag, ont été libérés dans les heures qui ont suivi l’interview, autorisée ou non, qu’il a donnée.
On a beau nous dire que cette double libération n’a rien à voir avec les propos de Chirac, qu’elles interviennent au terme d’un long processus, d’un inlassable démarchage des gouvernements arabes du Moyen-Orient, je pense, moi, que les réponses de Chirac à Borchgrave ont précipité les choses.
J’ajoute qu’au surplus c’est entre deux réunions des douze pays de la Communauté, qui s’apprêtaient à dénoncer la complicité du gouvernement syrien dans l’affaire du Boeing 727 de la TWA 29 , que Chirac a spectaculairement choisi de ne pas condamner le président Asad, et même de le remercier de l’avoir aidé pour la libération des deux Français !
Je ne connaîtrai sans doute jamais le fin mot de cette histoire. J’ai néanmoins ma petite idée : il fallait, pour faire aboutir le processus de libération des deux otages, que Chirac affiche une politique pro-arabe. Il l’a fait, voilà tout.
13 novembre
Tournant capital à gauche. Par des indiscrétions, volontaires ou pas, je suis sûre aujourd’hui que Mitterrand et Rocard se sont
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