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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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programme de ses prédécesseurs. Il faut dire que le style Napoléon III lui convient à merveille : il a là tout ce qu’il faut de taffetas, de soie, de velours dans les tons ocre et pourpre, pour se sentir à l’aise, lui qui n’aime pas, contrairement à Chirac, l’art moderne et préfère l’intimité des boudoirs.
    Cet homme a l’art de faire comme s’il était toujours disponible, comme s’il n’avait jamais rien à régler, aucune décision imminente à prendre. Dans ce milieu où chacun se prétend suroccupé et indispensable, je ne connais pas d’autre homme politique aussi maître de son temps : jamais en retard, toujours serein, jamais débordé. À un moment donné de notre conversation, un de ses collaborateurs estentré dans le salon : il n’en a rien laissé paraître, mais il a eu l’air visiblement suffoqué de voir qu’à l’heure où la vie du pays était en jeu, le ministre prenait le thé avec deux journalistes !
    Nous parlons d’abord épargne-retraite avant d’aborder le problème des privatisations et des petits actionnaires. Car Édouard Balladur croit beaucoup, en même temps qu’aux « noyaux durs », à l’actionnariat populaire.
    Il nous explique ce soir qu’à son sens, privatisation et participation vont dans le même sens, ont la même finalité : celle d’associer le plus possible de Français (un million, selon lui) à la marche des entreprises. Son analyse est simple : les Français sont brouillés avec le capitalisme, avec les affaires, avec les patrons, parce qu’ils ne se sentent pas concernés. Qu’on leur donne la possibilité d’acheter des actions, même en petit nombre, et ces petits porteurs changeront d’attitude. Qu’ils entrent dans le capital des grandes boîtes, et ils en deviendront les premiers défenseurs.
    Derrière le côté cake et thé, Édouard Balladur tient à montrer avec détermination qu’il n’est pas le vilain « privatiseur », mais celui qui met au contraire le capital à la portée de tous.
    À vrai dire, en le quittant, je ne sais toujours pas ce qui est le plus important dans son esprit : le libéralisme, dont il s’est fait le chantre depuis qu’il est aux Finances, ou le capitalisme populaire, qui, incontestablement, l’aide à habiller de couleurs sociales les privatisations. Croit-il sérieusement que le clivage entre droite et gauche puisse s’effacer si un million de Français accèdent au capital par le biais des privatisations ? Est-ce chez lui une conviction ou une façon de faire « avaler la pilule » ?
    Il est vrai qu’il doit annoncer demain les dispositifs clés de sa stratégie : il s’est exercé sur nous, voilà tout. Ce n’était pas un privilège. Un test, plus simplement.

    28 octobre
    Mitterrand s’est rendu à Francfort pour le 48 e  sommet franco-allemand, et il a soutenu énergiquement qu’aucun compromis ne saurait être passé avec le terrorisme.
    Pourtant, pendant ce temps, un sondage BVA, rendu public ce matin, révèle que les Français, dans leur majorité, sont favorables àune négociation « avec les groupes ou les pays » qui ont enlevé les otages français détenus au Liban 27 .
    Raison de plus pour qu’on leur dise nettement les choses. Pour qu’on ne leur dise pas un matin qu’on ne négocie pas avec les pays arabes, et le lendemain qu’on a trouvé les services syriens merveilleusement coopératifs ! Un jour, qu’il faut être ferme ; un autre, qu’il faut se montrer souple.
    En réalité, j’ai l’impression, comme beaucoup de mes confrères, qu’une sorte de trêve a été ménagée avec les terroristes grâce à l’intervention de la Syrie et, semble-t-il, de l’Algérie. Du côté français, ce serait Jean-Charles Marchiani – un proche de Charles Pasqua, donc de Chirac – qui conduirait le ballet des intermédiaires, et un ancien chef des forces libanaises prosyriennes, de l’autre.

    5 novembre
    Curieux pays que la France : un prurit de projets ou de propositions de loi plutôt libérales a saisi nos gouvernants qui se croient obligés de noircir des pages et des pages de recommandations, garde-fous, contraintes en tous genres. Trois exemples :
    La loi sur la communication, d’abord. Un objectif simple, ou qui devrait l’être pour la CNCL 28  : accorder des licences au privé et gérer au mieux ce qu’il reste du service public. Eh bien non, ce serait trop commode ! Le texte de loi ne comprend pas moins d’une centaine

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