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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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même, notamment sur sa définition de la cohabitation et des pouvoirs du Président.
    Les deux Chirac étaient tour à tour souriants ou irrités, sereins ou indignés, ouverts ou hermétiques. Mais tous deux ont révélé leur intention d’un repli élastique : Jacques Chirac recherche la sortie d’un conflit provoqué par un projet de loi qu’il s’est contenté de défendre en demi-teinte.
    Bizarrement – je dis bizarrement, parce qu’il me semble que, sur le sujet, il est trop sorti du bois –, il a profité de sa présence à la télévision pour parler de la cohabitation. Peut-être, sûrement même pense-t-il que le président de la République et ses amis sont, de cœur pour le moins, proches des manifestants.
    Son analyse de la cohabitation s’en ressent. Elle ne lui pose aucun problème, explique-t-il. Car de deux choses l’une : ou le Président est d’accord avec lui, et tout lui va ; ou il n’est pas d’accord, et, de toute façon, il n’a pas le dernier mot. Conclusion : la cohabitation lui va très bien à partir du moment où il la définit comme un système dans lequel le Premier ministre est souverain.

    2 décembre
    Extraordinaire après-midi à la gare d’Orsay, devenue musée du XIX e  siècle. Le Tout-Paris de la cohabitation s’y retrouve pour l’inauguration.
    François Mitterrand mène le cortège. Michel Laclotte et Jacques Rigaud, qui ont piloté le projet, font faire le tour du propriétaire. Mitterrand est d’autant plus épanoui qu’à l’occasion de l’inauguration il a pu, sur TF1 lui aussi, définir sa philosophie de la continuité et du changement, pour Orsay et au-delà d’Orsay 33 .
    Derrière le Président, Valéry Giscard d’Estaing, de beige vêtu, dilettante et princier, et Jacques Chirac, costume gris strict, d’abord attentif, mais dont l’impatience grandit au fur et à mesure que s’éternise la visite.
    Encore derrière, François Léotard, le ministre de la Culture, un peu maussade de n’être que le quatrième de la cohorte, et Philippe de Villiers, son secrétaire d’État, juvénile et dégingandé. Et puis, et puis, Pierre Mauroy, Jack Lang, bien entendu, toujours là, commes’il était toujours titulaire de la Rue de Valois, Roland Dumas, les anciens et les actuels, dans une cohue bon enfant.
    « Tout de même, me dit Mitterrand à l’oreille lorsque, passant à ma hauteur, il s’arrête quelques instants, je conduis une drôle de troupe ! »
    Monet, Manet, Corot : le Président s’arrête, il prendrait bien chez lui La Gare Saint-Lazare de Monet, ou La Chambre à coucher d’Arles de Van Gogh. Il invite Giscard à revenir à l’Élysée, s’il le souhaite, pour revoir les Odilon Redon qui y sont restés. Il craint que Chirac n’entende pas toutes les explications que donne Laclotte : « Approchez-vous », lui dit-il à plusieurs reprises en faisant mine de ne pas relever l’impatience du Premier ministre, qui voudrait bien prendre le large.
    « Tout de même, commente à quelques pas Simone Veil, légèrement acide, et dire qu’il n’y a pas d’argent pour les gardiens de prison ! »
    Arrivés dans la salle des fêtes, à l’endroit, réaménagé depuis, où le général de Gaulle a fait sa première conférence de presse en 1958, Valéry Giscard d’Estaing s’en va, laissant Mitterrand saluer les invités. Le Président a un mot aimable pour chacun, feignant de ne pas remarquer que Christine Ockrent et Anne Sinclair portent exactement le même ensemble rouge et noir, confectionné pour elles par le même couturier. Un mot à l’un, un mot à l’autre, trois petits tours et puis s’en va : Mitterrand n’a pas l’air mécontent d’avoir concilié, l’espace de quelques heures, l’art et la cohabitation.

    4 décembre
    J’ai beau ne pas me retourner, les nominations auxquelles vient de procéder la CNCL, successeur de la Haute Autorité, me donnent un haut-le-cœur. Je m’étais, nous nous étions tant battus pour nommer Jean Drucker, apolitique, vrai professionnel respecté de tous, désigné en 1985 sans l’accord de qui que ce soit d’autre que nous-mêmes, et le voici aujourd’hui débarqué d’Antenne 2, qu’il dirige depuis un an seulement. Pourquoi ? Quelle faute a-t-il commise ? Aucune. Il a été nommé par la Haute Autorité, voilà tout. Gabriel de Broglie, qui avait voté pour lui l’année dernière, quand il appartenait à la Haute Autorité, vient-il de trouver que le même

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