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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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l’Assemblée nationale. Catastrophé est peut-être un bien grand mot, car, depuis le temps qu’il condamne l’abandon de la souveraineté de la France dans les domaines les plus importants, il a tout de même dû s’y faire. Eh bien, pas du tout ! Il ne s’y fait pas !
    Malgré son échec à la présidentielle de 1981, il refuse de se soumettre. Il a entendu Giscard condamner le manque d’ambition de l’Acte unique, regretter qu’on remette aux calendes grecques la monnaie unique ou l’élection d’un président européen. Il ne s’en étonne plus, mais continue à ne pas comprendre qu’une nation puisse renoncer d’elle-même à ses prérogatives nationales.

    24 novembre
    Pour Chirac, le danger arrive d’où on ne l’a pas vu venir. Au milieu des attentats, dans l’atmosphère suspicieuse de la cohabitation, la réforme des universités présentée par Alain Devaquet était jusqu’à présent passée inaperçue. Son approbation par le Conseil des ministres, en août, n’avait pas suscité de commentaires. Après tout, l’abrogation de la loi Savary de 1984 et l’autonomie des universités étaient inscrites dans le programme présidentiel de Jacques Chirac. Quoi de plus normal que Chirac mette ses actes en accord avec ses promesses ?
    Et puis, d’un coup, voilà les étudiants dans la rue, contre le gouvernement, contre René Monory, le ministre de l’Éducation nationale, et contre son secrétaire d’État, Alain Devaquet. Celui-ci, professeur de chimie de son état, lieutenant préféré de Jacques Chirac, paraît a priori plus apte à parler d’éducation nationale que Monory dont les études, supérieures ou pas, ne sont pas le fort.
    Il reste que, pour le moment, c’est contre Devaquet que les étudiants descendent dans la rue. Une fois de plus, comme en 1968, leur mouvement s’est organisé sans que la presse s’en fasse l’écho, d’une fac à l’autre, d’un département à l’autre. Tout cela a fini par confluer à la Sorbonne, avant-hier, et dans la rue, hier, pour une manifestation immense autant qu’inattendue.
    Le parcours choisi, de la République à la Bastille, était symbolique : c’est celui de toutes les manifestations de la gauche depuis1936. Les participants l’étaient aussi, puisque, derrière les étudiants appartenant aux différents syndicats, UNEF-ID en tête, tous les leaders de la gauche avaient pris part au cortège. Enfin les slogans étaient tout aussi significatifs. Dans la manif que j’ai remontée de bout en bout, il était au moins autant question des privatisations que de sélection et d’autonomie des universités.
    Ce qui est formidable, c’est la façon dont l’Histoire se répète. En 1984, la mobilisation de la droite contre la loi Savary avait marqué la fin du gouvernement Mauroy en jetant dans les rues de Paris les partisans de l’école libre.
    Du coup, la gauche se met à espérer que l’issue soit la même : que la mobilisation contre Devaquet entraîne dans sa chute le chef du gouvernement. C’est peu probable, mais cela transforme une fois de plus le combat scolaire en combat politique.
    Louis Mermaz et Roland Dumas en ont profité, me dit-on, pour redemander à François Mitterrand de hâter la fin de la cohabitation et de se représenter dans la foulée. Je voudrais être mouche pour écouter les réponses de Mitterrand : reste-t-il silencieux, comme de Gaulle, de sorte que chacun de ses interlocuteurs croit être entendu de lui ? Réfléchit-il tout haut avec ceux qui l’exhortent à l’impatience ? Je pense que cela dépend : avec des amis aussi proches que Mermaz et surtout Dumas, ou encore avec Maurice Faure, il doit accepter de s’interroger sur sa stratégie. Mais pas avec d’autres qu’il estime moins ou auxquels il fait moins confiance.

    31 novembre
    Jacques Chirac vient d’intervenir ce soir sur TF1. Conformément à un processus bien connu, l’agitation dans la rue est devenue en quelques jours contestation. Et la remise en cause de la réforme des universités, donc de Devaquet, est devenue, chemin faisant, celle des lycées, celle du système éducatif dans son ensemble, puis, fatalement, celle du Premier ministre.
    Je viens d’écouter Chirac qui termine tout juste son intervention. Un Chirac comme dédoublé en deux personnages : un Chirac souple, prêt à la concertation dans certains domaines, regrettant même qu’elle n’ait pas suffisamment eu lieu ; et un Chirac ferme, dur

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