Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
malencontreuse nouvelle, d’un geste exaspéré de la main. Puis les journalistes le voient, de loin, engueuler – il n’y a pas d’autre mot – Dumas et Joxe, tous deux muets, pâles, au garde-à-vous.
    Tout cela est entrecoupé de gags inouïs dans le déroulement des spectacles offerts au président de la République française par les Omanais : char à la Ben-Hur qui se renverse avec ses quatre occupants devant la tribune officielle ; amiral omanais – oui, cela existe ! – qui tombe dans un bassin lors de l’inauguration de l’ambassade de France.
    Derrière les vitres de sa voiture, on voit Mitterrand accrocher durement Danielle, puis ébaucher un sourire crispé lorsqu’il se sent regardé.
    Pourtant, dans sa conférence de presse jeudi après-midi, à Mascate, il n’a pas semblé s’offusquer outre mesure de l’hospitalisation d’Habache à Paris. Il a souligné qu’il n’y avait pas de mandat d’arrêt contre lui et que si la justice avait des questions à lui poser, il y répondrait volontiers.
    Lorsqu’il est rentré à Paris, en revanche, changement de ton, tandis qu’Édith Cresson fait tomber quatre têtes : Georgina Dufoix, présidente de la Croix-Rouge française, François Scheer, Bernard Kessedjian et Christian Vigouroux.
     
    Reste le fond du problème. L’irresponsabilité aujourd’hui est de règle. En dix ans de pouvoir, le système Mitterrand a abouti, selon lui, à la dilution de toute définition claire de la responsabilité. C’est vrai qu’il a érigé en loi absolue la protection de quelques-uns, dont Édith fait partie. Qu’il soutient, au-delà du raisonnable, du possible et du souhaitable, ceux dont il juge qu’ils lui sont fidèles et qu’ils ne lui ont jamais « manqué ». Pas de responsabilité, pas de culpabilité politique, donc, pour ceux qui sont marqués de son sceau ; pas de faute pour les proches et les amis à condition qu’ils fassent acte d’allégeance absolue ; pas d’erreur politique pour les anciens camarades de combat ou de jeu. Pas de sanction pour ceux qui n’ont pas déplu.
    À cela s’ajoute la confusion des fonctions, qu’il entretient à plaisir : Georgina Dufoix est présidente de la Croix-Rouge (celle qui a amené Habache sur le sol français) et elle continue d’avoir un bureau à l’Élysée. Christian Nucci est interpellé dans l’affaire du Carrefour du développement, et il est chargé de mission chez Laurent Fabius, etc.
    Personne ne sait plus qui est qui, qui fait quoi, qui porte quelle casquette. La politique des « tiroirs secrets » a longtemps été pour Mitterrand une règle de vie, une condition de la discrétion, une garantie des mécanismes affectifs et politiques dont il détenait la clef.Cette même politique est responsable de la confusion générale des gens et des fonctions.
    Une chose est certaine : que les fonctionnaires, seuls, aujourd’hui, soient remerciés, qu’ils soient qualifiés, comme Mitterrand l’a fait, de « fous », ou simplement considérés comme des incompétents, cette condamnation apparaît à la classe politique, et sans doute aux Français, comme profondément injuste ou insuffisante.
    4 février
    Déjeuner avec Jean Poperen. Nathalie, sa femme, est là. Tous deux ont pris dix ans en quelques mois. La plus émouvante est Nathalie, les larmes aux yeux, qui évoque les splendeurs passées du socialisme et sa médiocrité actuelle. Toute sa vie, on le voit, est remise en cause par les quelques mois de décadence qu’ils viennent d’affronter, ou plutôt de subir, car, franchement, aucun des deux n’y est pour rien.
    C’est la fin du siècle – la « fin du sexe », comme dirait Mitterrand – et un peu la fin de leur commune aventure à tous deux qui ne se sont jamais quittés, au Parti socialiste pas plus que dans les ministères. Elle sent que tout cela ne durera plus que quelques mois.
    Cela étant, Jean Poperen raconte l’affaire Habache à sa manière qui en vaut d’autres, pas plus, pas moins. C’est le « lobby palestinien », d’après lui, ou plus exactement l’ambiance propalestinienne du Quai d’Orsay (on comprend tout de suite que tel n’est pas l’état d’esprit de Poperen), ou d’un certain nombre de militants du PS du type Georgina Dufoix, qui a amené les responsables de ce dérapage à considérer comme naturel qu’un homme comme Georges Habache vienne se faire soigner à Paris. Partant, personne n’a rien dit à personne,

Weitere Kostenlose Bücher