Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
n’a prévenu personne, puisque tout allait de soi.
    Reste que Mitterrand a décidé de parler aujourd’hui à la télévision. Poperen me prévient de façon presque solennelle, un peu comme s’il prévenait l’intéressé en personne : « Si Mitterrand, aujourd’hui, adopte la stratégie dite de la tortue, s’il adopte l’attitude du général de Gaulle au moment de l’affaire Ben Barka en 1965 7 , il ne sera pas compris. Il faut un acte, ajoute-t-il. Les Français attendent l’acte. S’il n’a rien à dire, conclut-il, qu’il se taise ! »
    En réalité, le Président lui a dit samedi soir sa crainte principale : être amené à lâcher Marchand, puis Roland Dumas, puis Édith Cresson... puis lui-même !
    D’où les conseils fermes qui ont été donnés à Laurent Fabius, à la tête du PS, de ne pas demander la moindre sanction.
    Cela explique sa fureur lorsque Michel Rocard, à « 7 sur 7 », dimanche dernier, a déclaré à propos de l’affaire Habache : « Cet homme ne devait pas mettre les pieds sur le territoire français, c’est une faute ! » Et plus encore lorsqu’il a eu cette phrase : « Ou bien les ministres étaient au courant, auquel cas c’était à eux de payer le prix du risque pris, ou ils ne l’étaient pas, et, d’une certaine façon, c’est pire ! »
    Bon, alors, et après ? Qui remplacera Édith, puisque nous avons la certitude que ce n’est plus qu’une question de jours ? Jean Poperen émet l’hypothèse d’un gouvernement Bérégovoy. Il n’évoque pas l’hypothèse Badinter, dont j’entends parler depuis quelques jours. Bérégovoy, pour lui, ne serait pas plus mal qu’un autre, puisque, de toute façon, « tout gouvernement fera mal ».
    Suit un couplet sur le thème : regardez le président américain George Bush, il est monté si haut dans les sondages, il est descendu encore plus vite !
    De toute façon, après les futures élections cantonales et régionales, le nouveau paysage politique sera radicalement différent. Le PC stoppera sa baisse, ou même, pense-t-il, verra augmenter ses voix. Le Parti socialiste perdra à peu près 10 % de ses suffrages. Jacques Chirac attendra ce moment pour se manifester.
    Au passage, Poperen donne un coup de chapeau à Chirac, « qui sait attendre ».
     
    Lequel Chirac m’appelle dans l’après-midi, sans doute pour tester ma réaction. Il me dit qu’il n’a aucune envie de réagir aux propos que tiendra le Président tout à l’heure.
    « Que va-t-il dire ? » me demande-t-il.
    Je lui parle de la stratégie de la tortue et de son désir de tourner au plus vite la page, de clore l’affaire dès aujourd’hui.
    « Oui, c’est aussi ce que je crois, acquiesce-t-il. Je n’ai donc aucun intérêt à parler. Je ne suis pas pressé, je n’ai aucune raison de me bousculer ! »
    C’est la première fois depuis que je le connais qu’il parle sur ce ton, avec cette sérénité. Il faut dire que je ne vois pas ce qu’il gagnerait à se mettre, en criant avec les loups, les Palestiniens sur le dos.
    « Je crois, conclut-il en détachant bien ses mots pour que le responsable des écoutes téléphoniques du ministère de l’Intérieur n’en perde pas une miette, qu’ il devient sénile. Oui, ce doit être de la sénilité ! »
    Même jour, 21 h 30
    Mitterrand répond, depuis la bibliothèque du palais de l’Élysée, aux questions de Patrick Poivre d’Arvor et d’Henri Sannier pour Antenne 2. Il a sa tête des mauvais jours et trouve manifestement que la hâte des deux interviewers à vouloir lui faire dire s’il était ou non au courant du séjour de Habache à Paris est exagérée. Il coupe les questions, qui fusent simultanément, d’un « Laissez-moi parler » impératif, rare lorsqu’il s’agit d’une interview du Président... qu’on laisse en général parler ! Arrête Patrick d’un « Pas vous ! » aussi intrigant que désagréable. Puis il commence, tendu à l’extrême, par rendre « l’amour du sensationnel » des médias responsable de la polarisation de toute la vie politique, depuis six jours, autour de l’affaire Habache. Il nie enfin avoir été informé, parle des hauts fonctionnaires responsables qui ont commis, dit-il, une « erreur de jugement ». C’était un problème politique, les fonctionnaires l’ont traité comme un problème administratif.
    Quand on lui demande si Georges Habache n’était pas sous le coup d’une procédure

Weitere Kostenlose Bücher