Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
en pleines vacances, pour s’exprimer pour la première fois sur la crise monétaire que traverse l’Europe. Comme Balladur, il en rend responsables les spéculateurs qui procèdent à coups de milliards et bouleversent la viematérielle de centaines et de centaines de milliers de citoyens européens. Bref, en quelques phrases, il donne raison à Édouard Balladur dans la gestion de la crise, l’assurant de son entière solidarité et jugeant le compromis de Bruxelles comme la « moins mauvaise des solutions ». S’il émet quelques critiques, comme sur la privatisation d’Elf Aquitaine, on retiendra néanmoins avant tout son soutien au Premier ministre.
On voit la perversité : Chirac a mis des jours pour déclarer son soutien à Balladur, Séguin a déclenché les hostilités contre Matignon dès le mois de juin sur la façon de mener les choses ; Mitterrand tranche en appuyant le Premier ministre et apparaît ainsi comme le juge de paix de la majorité.
Et le Parti socialiste, dans tout cela ? Mitterrand n’a pas du tout l’air de s’en soucier.
18 août
François Bayrou dans son bureau au ministère de l’Éducation nationale. Intelligent, lisse, peut-être secret. Un visage carré, taillé à gros traits. Je ne sais pas par quels autres adjectifs le qualifier, donc je m’abstiens. Il me parle de Giscard à qui le lie une complicité réelle, assez rare.
« Giscard pense, me dit-il, qu’il a été élu trop tôt à la présidence de la République. Il dit que la bonne décennie, pour être député, c’est la trentaine ; la quarantaine, pour être ministre ; cinquante ans : l’âge idéal pour un Premier ministre. Pour la présidence de la République, c’est la soixantaine. »
Telle qu’il la décrit, la situation est assez simple : si Édouard Balladur réussit, pas de problème ; Giscard préférera Balladur à Chirac. Au fond, dit-il, pas grand-chose ne le sépare de Balladur. Il est irrité par son penchant naturel à dire que rien n’a été fait en France avant lui depuis vingt ans, mais ce n’est pas si grave.
En revanche, si Balladur échoue, VGE pense qu’il a, lui, toutes ses chances. Pour Bayrou, dans tous les cas de figure, Jacques Chirac est coincé.
25 août
Pour des raisons de place, la conférence de presse de Balladur a eu lieu au centre Kléber et non à Matignon. Les ministres d’État sont autour de lui sur la tribune : Simone Veil, Charles Pasqua, François Léotard, Pierre Méhaignerie. Ils ne disent pas un mot ; leur seule présence vaut soutien, appui, acquiescement. Le plaisir que prend Balladur à parler aux journalistes, qu’il soigne tout particulièrement, et à les voir s’écraser pour l’écouter, le plaisir qu’il éprouve à être en première ligne, lui qui a toujours été dans l’ombre de Chirac, est évident. Que dis-je, il est monumental !
Deux grandes parties dans la conférence de presse d’Édouard Balladur aujourd’hui : comment rendre l’État plus efficace et comment retrouver la croissance pour soutenir l’emploi.
Sur l’efficacité de l’État, le Premier ministre annonce une modification constitutionnelle portant sur l’alinéa 4 du préambule de la Constitution, un meilleur plan d’aménagement du territoire, un livre blanc sur la défense.
Retrouver la croissance, c’est moins facile. Balladur annonce la discussion, à partir du 6 septembre, de la loi quinquennale sur l’emploi, et souligne qu’il n’entend pas opposer progrès économique et solidarité sociale. De bon ton, pour les syndicats à l’affût.
Dans les autres domaines, culture, environnement, formation professionnelle, Coupe du monde de football 1998, télé éducative, allègement de l’impôt sur le revenu, déblocage du PEP 46 , loi programme sur la justice... – le gouvernement est au four et au moulin.
Quant aux négociations sur le GATT, elles offrent à Édouard Balladur l’occasion d’afficher sa résistance aux volontés américaines : « Nous ne nous satisferons pas, assure-t-il, d’un pseudo-accord qui demande à l’Europe de produire moins, d’exporter moins et d’importer davantage. Nous n’avons pas l’intention de dire oui. Les concessions ne sauraient nous être demandées unilatéralement. »
Une indication, en fin de conférence, sur sa présence en tête de la liste européenne : la pression de ses amis « va, dit-il, diminuant » sur sa candidature aux élections européennes. Il ne sera
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