Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
redit souvent – qu’il s’agit de la crise la plus grave depuis 1944. Mais il n’en a pas tiré toutes les conséquences. En réalité, nous sommes dans la situation la plus grave depuis 1930. Il est clair que la mécanique du chômage est mortelle. »
Les remèdes : la baisse de 2 ou 3 points du niveau des taux d’intérêt nominaux, et cela sans se préoccuper des conséquences que cette baisse peut avoir sur la monnaie. La réforme de l’impôt sur le revenu est le volet essentiel de l’action qu’il propose, avec la nécessité d’équilibrer les revenus du capital et ceux du travail. Et, au surplus, il faut faire vite : « Chaque mois perdu détruit le tissu social français ! »
Il dit encore, et je m’arrête là dans mon compte rendu : « Édouard Balladur a très mal pris le “Munich social”, expression qui ne s’adressait pas à lui. »
Balladur, c’est un fait, l’a pris pour lui, d’autant plus que la presse en a tiré la conclusion que, désormais, la seule opposition crédible au Premier ministre était dans la majorité !
30 juin
Si je reviens en quelques phrases sur le mois de juin dans son ensemble, c’est pour souligner que Balladur n’a pas chômé et que la majorité parlementaire, malgré la sortie de Séguin, l’a soutenu sans faiblir : projet de loi sur les privatisations 40 , réforme du Code de la nationalité – au sujet duquel Mitterrand n’a pas bougé –, projet de loi sur l’immigration, réforme des retraites avec la durée de cotisation passant sans grand bruit de 150 à 160 trimestres...
Je veux bien qu’on parle d’immobilisme. Je trouve pour ma part qu’il est allé vite ! Maintenant, peut-être va-t-il ralentir le mouvement.
11 juillet
À son camarade de lutte anti-Maastricht, Philippe Séguin, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, donc, à ce titre, membre de l’équipe Balladur, a conseillé aujourd’hui, par RTL interposé : « Laissons le gouvernement gouverner. »
Quand on pense que Pasqua a passé son temps, depuis 1988, à recommander à Chirac de ne pas installer Balladur au gouvernement ! Maintenant qu’il y est, lui, voici que, par solidarité ministérielle, et sans doute parce que Balladur le lui a demandé, il remet Séguin dans ses buts (métaphore footballistique qui irait fort bien à Séguin), mais il le fait avec une formidable économie de vocabulaire...
15 juillet
Intéressante interview d’Édouard Balladur à la presse régionale après que le Président a parlé, la veille, de la cohabitation vue de son côté. Déconcertante plus qu’intéressante, d’ailleurs. Il a évoqué lesélections européennes en disant, contrairement à ce qu’il a déclaré depuis quelques semaines, qu’il était prêt, pour l’unité de la majorité, à conduire une liste commune de la droite. Pourquoi ce changement ? Pour éviter l’éclatement entre une liste Giscard, ultra-européenne, et une liste Séguin, réservée, pour le moins, à l’égard de la construction européenne ? Question analogue à celle posée plus haut : Balladur a-t-il prévenu Chirac de son intention ? Ou bien est-ce la réponse au silence assourdissant de Chirac vis-à-vis de Séguin ?
19 juillet
Révision constitutionnelle à Versailles, la sixième de la V e République. Cette fois, on consulte les deux assemblées pour modifier la Haute Cour et le Conseil supérieur de la magistrature. C’est bon enfant, désordonné, plus sympathique qu’au Palais-Bourbon. Les parlementaires se sentent perdus dans les grands couloirs. Jacques Chirac, arrivé seul, cherche désespérément la salle où est réuni le groupe RPR. Balladur arpente les couloirs, accompagné par son épouse, Marie-Josèphe, tous deux suivis par une nuée de photographes. Quel contraste entre la solitude de l’un et l’accueil réservé par la presse à Balladur ! Jack Lang converse avec Philippe de Villiers. Béatrice Séguin passe en nous présentant sa fille de 13 ans, celle, donc, de Philippe Séguin, qui vient pour la première fois à un Congrès que préside son papa.
Roger Chinaud m’invite à déjeuner, Jean-Pierre Soisson s’arrête quelques instants à la table que nous occupons, égal à lui-même, c’est-à-dire souriant et ambigu, faussement rond. Pendant ce temps-là, tous les hauts responsables de la majorité, à l’exception de Giscard, retenu à l’étranger, ont décidé de déjeuner ensemble à la préfecture des
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