Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
ton qui me paraît confirmer la distance qui s’est installée entre Chirac et Balladur.
     
    Je reviens au récit du déjeuner. Balladur parle maintenant de la cohabitation. Cela se passe bien, assure-t-il. À propos de la réforme constitutionnelle sur l’asile politique à l’intérieur de la zone de Schengen, il confirme en revanche qu’un affrontement l’a opposé à Mitterrand sur la formulation de la question posée. Il a dû dire au Président que c’était au Premier ministre, et pas à lui, de soumettreau Conseil d’État la question qu’il souhaitait poser. « D’ailleurs, la question qu’il voulait poser lui était pratiquement conseillée par Badinter 51 .
    – Et comment l’a-t-il pris ?
    – Bien. D’ailleurs, j’avais fait moi-même beaucoup de chemin. Je lui ai évité le référendum, puis j’ai sauvé le préambule. Moi aussi, j’ai une majorité à respecter, et il le sait.
    « Tout, continue-t-il, vient d’une bourde du Conseil constitutionnel qui a refusé le projet de loi alors qu’il avait déjà déclaré Schengen compatible avec la Constitution. C’est alors que nous avons bien dû consulter le Conseil d’État sur l’opportunité de la révision. Si le Conseil d’État dit qu’il faut y procéder, s’il propose de rédiger un nouveau projet de loi, nous le ferons. Si le Conseil constitutionnel la condamne à nouveau, alors nous irons au-devant d’un gros problème politique. »
    Il s’agit là d’une condamnation à mots couverts de Robert Badinter : Balladur pense que le Conseil constitutionnel est sorti de son rôle en condamnant le texte gouvernemental, que, juridiquement, sa position ne tient pas, étant contraire à l’accord déjà donné au traité de Schengen deux ans auparavant. Nul doute que si le Conseil constitutionnel « retoque » le futur projet de loi, il y aura un clash majeur avec l’Élysée.
    Nous parlons de la Corse : il a trouvé l’atmosphère sur l’île plutôt sympathique. Les hôteliers indépendantistes ou autonomistes se plaignent beaucoup de ce que le tourisme aille mal. « Alors, plaisante le Premier ministre, j’attends une accalmie du côté du terrorisme corse... »
    Sur le terrain international, il est très pessimiste. S’il se réjouit des accords entre Israéliens et Palestiniens, il s’attend néanmoins à beaucoup d’actes de terrorisme : « Il y aura un terrorisme kurde, de plus en plus important, et aussi un terrorisme bosniaque. Il y a tellement de lieux de conflits de par le monde ! »
    Il parle de l’Allemagne avec une grande liberté. Selon lui, les Allemands ont un sens aigu de leur ego (il ne dit pas l’« impérialisme allemand », mais l’« égotisme allemand »). « Avant une élection, explique-t-il, Kohl demande des sacrifices à tout le monde. Imaginez qu’en France on fasse une campagne électorale sur le sacrifice ! C’est cela, la différence essentielle entre Allemands et Français. »
    Sur le GATT, il n’est toujours pas décidé à céder, tout en n’attendant pas de geste spectaculaire de l’Allemagne. Son contact avec Kohl a été, il le dit, une première brèche ; il n’attend rien de plus. Et si les Américains ne cèdent pas ? « Eh bien, il n’y aura pas d’accord. Comme en ce moment. Finalement, on peut s’en passer. »
    « La société française est fragile, dit-il en guise de conclusion. On ne peut pas faire n’importe quoi. Ce que vous appelez ma “prudence” est dicté par cette considération. » Il n’y aura donc pas, pour cette raison, de réforme fiscale avant l’élection présidentielle. Ce qui ne l’empêche pas d’insister sur le terrain déjà parcouru : les retraites, les négociations avec les syndicats... Manifestement, l’accusation d’immobilisme, le mot « modération » employé à propos de sa politique – relayé par ses propres amis politiques, pas seulement par l’opposition –, l’irritent au plus haut point. Il se dépeint lui-même comme un homme essentiellement pragmatique, qui ne tire pas de plans sur la comète, qui essaie simplement de trouver des solutions aux problèmes. Exactement ce que veulent les Français aujourd’hui.
    14 septembre
    La dépêche de l’AFP est tombée il y a quelques instants : « Le président François Mitterrand a été victime d’un malaise, mardi, à Séoul, au début d’une visite officielle en Corée du Sud. »
    Détail terrible, toujours d’après la

Weitere Kostenlose Bücher