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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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voyez, m’explique-t-il en me montrant une fenêtre ; pour haranguer d’ici la foule de la Libération, le général de Gaulle avait grimpé en 1944 sur un des balcons de ce bureau. Et ses lieutenants, pour l’empêcher de tomber, le tenaient aux chevilles, au second plan, sans que personne les voie d’en bas, sur la place. »
    Après cette introduction sur de Gaulle, c’est de Balladur qu’il veut me parler. Il lui a fallu du temps, mais il a fini par comprendre : Édouard, c’est terminé. Dans le meilleur des cas, ce sera un rival courtois ; au pire, un concurrent acharné.
    Il y a plus : la rupture avec Balladur remet en cause tout le processus de conquête du pouvoir par Chirac. En refusant d’aller à l’hôtel Matignon pour une seconde cohabitation, Chirac comptait sur un dispositif sans faille. Il tablait d’abord sur la présence d’un Premier ministre plus gestionnaire que politique, capable de préserver une certaine qualité de rapports quotidiens avec François Mitterrand – ce dont lui-même ne se sentait plus capable. Une sorte de brillant second, doublé d’un ami sûr. Chargé de tenir la maison, tandis que le président du RPR battrait les tribunes.
    « C’est stupide, me dit-il. La stratégie que nous avons élaborée ensemble, sur laquelle nous étions tombés d’accord, était imparable. La victoire nous aurait été donnée sur un plateau. La gauche aurait été battue à plates coutures. Elle n’aurait pas eu le temps de relever le nez. Moi, candidat à la présidentielle, lui Premier ministre, assuré de le rester après 1995, c’était, sans rupture, sans division, le plan le plus sûr pour gagner. »
    Il ne parle pas d’un pacte passé avec Balladur. Élaborer une stratégie n’est pas signer un pacte. Il n’empêche : hier, il me semble que Chirac en avait gros sur la patate.
    En mars 1993, à la veille du second tour des élections législatives, il avait évoqué avec Balladur, me dit-il, le raz de marée anti-socialiste auquel il s’attendait pour le lendemain. Il avait alors tenu, d’une phrase, à s’assurer de l’accord d’Édouard. Il aurait ajouté – du moins est-ce la version qu’il me donne : « On ne peut exclure qu’installé à Matignon, vous bénéficiiez d’une popularité extraordinaire. Dans ce cas, évidemment, nos accords peuvent être remis en question. Si vous changez d’avis, dites-le-moi !
    – Jacques, lui aurait répondu Édouard, vous êtes blessant pour moi. Je vous demande de retirer cette phrase. »
    Ni plus, ni moins. Est-ce suffisant pour parler de pacte ?
    Quand je suis sortie de l’Hôtel de Ville, le soir était tombé. J’étais, je suis encore stupéfaite de ce que j’ai entendu.
    29 octobre
    Déjeuner avec Margaret Thatcher dont les Mémoires viennent d’être traduits en français. Plus charmante, moins pâle, moins bien coiffée que je ne l’imaginais. Et aussi plus passionnée, plus accrocheuse. Nous sommes plusieurs journalistes autour d’elle, elle ne sait évidemment pas à quel journal nous appartenons, mais peu importe : c’est une dame qui ne se préoccupe pas beaucoup des autres.
    Quelques phrases d’elle, sur l’Europe. Elle commence par regretter que Mitterrand préfère depuis longtemps l’Allemagne à l’Angleterre. « L’Europe a commencé, dit-elle en joignant le geste à la parole, lorsque la France était là (elle désigne le plafond) et l’Allemagne ici (elle montre le plancher). Aujourd’hui, tout a changé : l’Allemagne est là (plafond) et la France ici (plancher). » Elle ne tarit pas de propos désagréables sur Jacques Delors : la technocratie a pris tous les pouvoirs à Bruxelles, la Commission ne tient aucun compte des positions et des difficultés des différents pays.
    « Pourquoi ne l’avoir pas dénoncé auparavant ? » lui objecté-je.
    Elle me foudroie du regard. Elle en veut beaucoup aux différents gouvernements de ne pas l’avoir assez tenue au courant de l’évolution de l’Europe, de Maastricht, de l’unité, de l’élargissement. Elle nepensait pas inéluctable l’évolution vers plus d’Europe qu’ont imposée Mitterrand et Kohl. Aujourd’hui, elle juge inexorable cette avancée à marche forcée dont elle ne voulait pas.
    Antidémocratique, l’Europe est aussi, selon elle, inefficace : « Il aurait été possible, affirme-t-elle, comme l’a demandé le président Clinton, d’intervenir en Yougoslavie et de “bomber” (sic)

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