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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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que Chirac ajoute au texte préparé par ses collaborateurs est plat : clichés, fadaises, rien ne manque. Pendant qu’il parle, Pasqua lutte difficilement contre le sommeil dans lequel il sombre de façon intermittente.
    Voyage jusqu’à présent sans aucune chaleur : il est vrai qu’il fait on ne peut plus froid.
    13 heures : nous voici à l’hôtel de ville de Colmar. Nous sommes sur une petite place de mairie très colorée. L’atmosphère se réchauffe : Chirac, puis Pasqua lui-même sont très applaudis pour la première fois depuis ce matin. « Votre présence, dit le président du conseil général, nous conforte et nous réconforte. »
    Mais Dieu qu’il est difficile de se rendre compte, dans un voyage officiel de ce genre, du soutien ou de la méfiance qu’éprouvent en réalité ceux qui reçoivent le Premier ministre ! Je n’en ai même pas une petite idée. Tandis que Chirac reçoit la médaille de la ville et répond à ce cadeau par quelques phrases, je m’approche de Charles Pasqua : « Non, mais vous ne voulez pas que je polémique avec Chalier, me dit-il avec vigueur, quand je lui parle du vrai-faux passeport de ce dernier 8 . C’est au juge de faire son métier ! Rien n’est plus facile à vérifier que l’emploi du temps d’un ministre. Qu’il se débrouille ! »
    16 h 20 : hôtel de ville de Strasbourg. Rappel de la vocation européenne de la cité. Strasbourg, symbole de l’unité et de la solidarité européennes. « Oui, l’Europe occidentale passe par ici, à Strasbourg ! » Et, enfin, la phrase attendue de tous : « Le maintien du Parlement européen à Strasbourg constitue un élément sur lequel aucun gouvernement français ne pourra jamais transiger ! » – et hommage appuyé à Pierre Pflimlin au moment où il quitte ses fonctions de maire, exercées depuis 1959.
    17 h 15 : palais des congrès de Strasbourg. Chirac ne lit pas du tout le discours préparé. Du coup, il est plutôt meilleur que d’habitude. Il prend des accents volontiers barristes (est-ce parce qu’il s’est senti atteint par ce qu’a dit Barre dans sa dernière prestation télévisée ?). Chirac parle de redressement, de la dette, des équilibres nécessaires, donc de la réduction des dépenses, de la lutte contre l’inflation surtout. « Celle-ci a atteint, cette année, 2 %, précise-t-il ; c’est le plus faible taux depuis trente ans. Il n’y a pas lieu de s’en féliciter, puisque l’inflation allemande est seulement de 1 %. »
    La salle qui l’écoute semble beaucoup plus préoccupée – cela se voit aux différentes questions posées à l’issue de son discours – par les problèmes de la cellulose, par les infrastructures routières en Alsace. Chirac remporte un franc succès quand il dit fermement : « Il n’est pas concevable de traverser deux fois le Rhin pour aller de Colmar à Strasbourg ! »
     
    C’est Philippe Séguin 9 , en revanche, qui répond sur le problème de l’emploi des jeunes. Il ne paraît pas spécialement affecté par son dernier bras de fer avec le Conseil constitutionnel 10 . C’est la première fois que je l’entends en public. J’avais regardé le film réalisé sur lui par Serge Moati en décembre dernier. J’avais apprécié ce ton nouveau, chez ce ministre de 44 ans, son refus d’être étiqueté, sa volonté de rester libre, sa façon de parler avec des mots simples et forts. Sa voix surtout, basse, profonde, plus chaleureuse que son personnage.
    En décembre, à l’Assemblée nationale, présentant son texte sur le temps de travail – que Mitterrand avait refusé de signer quand il était à l’état d’ordonnances –, je l’avais trouvé déjà plus politique et plus engagé dans l’action du gouvernement Chirac. Aujourd’hui, parmi tous les ministres qui ont fait le déplacement d’Alsace – Pierre Méhaignerie, Alain Madelin, pour ne parler que d’eux –, il paraît sans conteste, en dehors de Charles Pasqua, comme le plus proche de Jacques Chirac. Sa brève réponse à la question posée par la salle est ferme, structurée, nettement plus brillante que toutes les autres.
     
    Fin de la visite, le lendemain, avec une nouvelle conférence de presse, la visite de l’Institut de biologie moléculaire, sans oublier le Conseil de l’Europe.
    Que retenir de ce voyage de Jacques Chirac ? En dehors de son énergie, de son dynamisme, son aspect dur, militant, que je ne lui connaissais pas

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