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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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commencé ?

3 novembre
    Balladur, qui m’a invitée aujourd’hui avec une dizaine de mes confrères et consœurs à déjeuner à Matignon, dément formellement le récit que m’a fait Barnier du malaise de Mitterrand, mercredi dernier. Pourtant, ce matin, avant le Conseil des ministres qui se tenait exceptionnellement un jeudi, Alain Lamassoure m’a dit, après la désormais traditionnelle interview du matin sur RTL : « François Mitterrand n’est pas en état d’exercer la Présidence européenne. »
    Édouard Balladur, lui, ne dit rien de tel. Il a parlé avec Mitterrand ce matin. Il n’a pas évoqué de problème de santé, mais s’est ému de l’agression dont le Président a été l’objet de la part de Paris Match qui a publié les photos de sa fille Mazarine.
    Ces photos, je les découvre en même temps que la France entière : on y voit Mitterrand, assez en forme, ma foi, malgré l’alerte de la semaine dernière, sortir du restaurant Le Divellec (où j’imagine qu’il a dû dévorer une bourriche entière d’huîtres) avec une très belle jeune femme dont on reconnaît au premier coup d’œil qu’elle est sa fille. Ces photos ont-elles été volées ? Au contraire, Mitterrand est-il content que ce secret, essentiel, sur sa vie de famille complexe soit enfin levé ? On me dit que Roland Dumas a fait jouer sa qualité d’avocat pour demander au patron de Paris Match , Roger Thérond, de ne pas les publier. Je sais que c’est vrai. Il n’empêche : comme André Rousselet que j’ai appelé au téléphone, je pense que Mitterrand n’est en réalité pas mécontent du sort réservé à ces photographies. Sans doute voulait-il qu’elles soient connues. Comme s’il était en train de solder en quelque sorte sa vie avant sa mort. Vichy, safille, ses familles, ses femmes, ses enfants : il révèle tout de son vivant, comme pour savoir dès maintenant ce qu’on dira de lui après qu’il ne sera plus. Je ne parviens pas à écrire les choses exactement comme je les ressens : en fait, je pense qu’il ne veut rien laisser aux historiens qui se pencheront sur sa vie après sa mort. Il veut pouvoir dès maintenant savoir à quelle oraison funèbre il aura droit, et quelle place y tiendra sa vie secrète, personnelle.
    4 novembre
    Ouf, ça y est ! Chirac est enfin officiellement candidat. Il a fait acte de candidature à Lille, patrie du général de Gaulle, le jour de la Saint-Charles. Par quel moyen ? Par une interview au quotidien La Voix du Nord . Au milieu d’autres considérations, il y fait savoir, ce matin, en quelques lignes : « L’hypocrisie qui affecte le débat politique actuel offense le civisme et entretient un climat malsain. J’ai donc décidé de clarifier la situation en annonçant dès aujourd’hui que je suis candidat 48 . »
    Inutile de dire que l’information est immédiatement reprise par l’AFP, puis par France 3 local, et, enfin, par tous les médias.
    Pourquoi La Voix du Nord  ? Je suppose que c’est une façon de marquer son indifférence envers une presse écrite nationale qui l’a toujours méconnu, et une télévision qu’il considère comme inféodée à Édouard Balladur. Une façon de marquer que, contrairement aux autres hommes politiques, il parle à la France « profonde ». Il a choisi de s’exprimer – je suis sûre que cela a compté dans sa décision – dans une région où le taux de chômage est le plus important de France, et les problèmes sociaux le plus aigus.
     
    Après lecture de l’interview de Chirac, j’ai passé ma journée à poser par téléphone des questions à la plupart des gens de son entourage, au RPR et à l’Hôtel de Ville 49 , pour reconstituer le filde ces trois ou quatre derniers jours où il a pris la décision d’annoncer ainsi sa candidature. Voici ce que j’en ai obtenu sans qu’il me soit possible de créditer tel ou tel interlocuteur de telle ou telle phrase.
    Pourquoi Chirac a-t-il accéléré le mouvement ? Longtemps, il a été convaincu qu’il lui fallait annoncer sa candidature le plus tard possible. Il craignait l’usure de ses arguments, voire la sienne si sa campagne durait trop longtemps. Alain Juppé, le premier, sentit le danger qu’il y aurait à attendre davantage. C’est pourquoi il lança cet appel à la candidature de Chirac au cours des universités d’été des jeunes RPR à Bordeaux. Appel clair auquel Jacques Chirac avait immédiatement répondu : « Que

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