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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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métier et du courage. La gauche va donc peut-être remonter sur le ring.
    La seconde chose est que je me rappelle les prévisions de Jean-Marie Le Pen, dès l’été dernier : à un moment où personne ne prononçait ce nom-là, Le Pen m’avait dit que Lionel Jospin serait le candidat socialiste. Comment l’a-t-il su, ou du moins subodoré ? Quel signe a-t-il décelé, et quand ?
    Ce que je ne sais qu’aujourd’hui, c’est qu’il semblerait bien que Lionel Jospin, muet depuis plusieurs mois, pensait bien pouvoir briguer la candidature. Philippe Barret tient de la bouche de Chevènement une information importante : ce dernier et Jospin ont déjeuné ensemble au mois de juillet dernier. « Tu devrais te présenter, lui a dit Jean-Pierre Chevènement qui voyait sans enthousiasme se profiler la candidature Delors. Dans ce cas, je te soutiendrai. »
    Lionel Jospin n’avait pas dit oui, pas davantage non. Il était évident que, pour lui, le moment n’était pas encore venu. Dès qu’il a entrevu le passage, il a foncé. Le voilà candidat de la gauche.
    11 février
    Balladur en campagne chez Patrick Devedjian, à Antony, devant des lycéens, des étudiants et des élèves des grandes écoles. Il les appelle « mes amis », partage une tranche de jambon de pays avec l’un d’eux. Bref, il fait un effort. Mais son emploi du temps l’oblige à quitter trop vite les jeunes balladuriens. Il traverse à vive allure le bâtiment où déjeunaient les quatre cents élèves qui n’avaient pu trouver place dans le chapiteau. « Il ne va quand même pas se casser tout de suite ! » lâche un petit groupe en le voyant disparaître sans répondre aux questions.
    13 février
    Conférence de presse d’Édouard Balladur. Il n’a pas de chance : la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris vient d’annuler, à la demande de Jean-Pierre Maréchal, les « écoutes téléphoniques » réalisées par des policiers à l’occasion de la souricière qui lui avait été tendue. Autrement dit, le Premier ministre sait déjà quelles questions vont lui poser les journalistes. Ce qui risque de reléguer l’annonce de son programme au deuxième plan.
    Dans la salle, le ban et l’arrière-ban des ministres : du radical André Rossinot à Charles Pasqua, de Simone Veil au président du CDS François Bayrou, en passant par François Léotard. Très à l’aiseavec les journalistes, Nicolas Bazire les accueille : ils sont très nombreux.
    À l’arrière-plan de la tribune, une lumière rose tamisée, et, en énormes lettres bleues : « Croire en la France. »
    Je prends des notes pendant que le Premier ministre parle très, très longuement ; je résumerai ce soir pour mon usage personnel.
    En réalité, ses propos sont très largement conçus pour se dégager des deux reproches qui lui sont faits par les partisans de Chirac : l’immobilisme et l’absence de préoccupations sociales. Tout ce qu’il dit aujourd’hui répond à ces deux objections. « La France doit changer, dit-il d’entrée de jeu, et changer plus profondément. »
    De ce point de vue, être Premier ministre, assure-t-il, n’est pas la panacée. Réponse à tous ceux qui disent qu’en le laissant aller à Matignon, Chirac lui a fait un cadeau insensé. « Le Premier ministre est tenu pour responsable de tout ce qui se passe, et l’opposition ne manque pas d’évoquer tous les incidents de notre vie quotidienne. »
    Après avoir évoqué l’égalité des chances, la liberté, l’Europe, Balladur ne pouvait manquer d’évoquer la réforme : « Oui, la France doit changer. J’ai mesuré depuis deux ans les difficultés du changement, mais aussi sa nécessité. Peut-on réformer ? Oui, à quatre conditions : il faut la durée nécessaire, l’unité du pouvoir, l’esprit d’équité qui doit inspirer chacune des réponses proposées, tout cela en suivant la seule méthode moderne, le dialogue. »
    Là encore, il répond à une critique qui lui est faite par le clan chiraquien : « Le temps passé à écouter, dit-il, à expliquer, à se remettre en cause, n’est jamais du temps perdu, mais du temps gagné pour l’action. Cela s’appelle la participation. Elle était au cœur de la pensée du général de Gaulle. »
    Il s’assigne enfin six objectifs essentiels 7 , dont naturellement celui de retrouver le chemin de l’emploi par la mobilisation de tous, et celui de conforter le « modèle français de

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