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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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deux hommes. Et surtout Jospin, que l’on n’attendait pas il y a quelques jours, devance au premier tour les deux candidats de la majorité.
    La chute de Balladur profitera-t-elle à Chirac ? C’est dire l’importance de la réunion d’aujourd’hui. Au style « super Premier ministre »qui est celui de Balladur, Chirac a préféré le style « Président au-dessus de tout cela ». Vingt mille personnes dans la salle, alors qu’on n’en attendait que dix mille. Un embouteillage monstre à l’entrée des parkings. Pour la première fois, Chirac a des accents véritablement populaires qu’accueille avec enthousiasme la foule venue par car, train, voiture, métro, tout ce qu’on voudra. Il entend réduire – c’est une des premières fois qu’il emploie ces termes – la « fracture sociale », c’est-à-dire les inégalités, les déséquilibres dans la France d’aujourd’hui. C’est un beau mot, « fracture », dont il se sert pour dénoncer son contraire : l’immobilisme, qui est, selon lui, celui de Balladur. Avec Chirac, Philippe Vasseur et Alain Madelin, preuves vivantes que le maire de Paris n’est plus tout seul, sont ovationnés par la foule comme ils ne le seront sans doute jamais plus dans toute leur vie politique.
    Les deux discours des candidats de la majorité ne sont pas fondamentalement différents. À deux grandes nuances près : Chirac met l’accent sur le « social » d’une façon plus engagée, plus forte que Balladur ; de surcroît, il est plus convaincant quand il en parle. Seconde différence de taille : l’intervention de Chirac est volontariste. Les « Je ne permettrai pas », « Je n’accepterai pas », s’opposent au plaidoyer pour la souplesse et la concertation, ainsi qu’au réalisme de Balladur.
    Aujourd’hui, dans cette grand-messe, Chirac, c’est avant tout un ton, un sourire, une énergie. Une image bien plus qu’un programme.
     
    Je pense, ce soir, en rentrant de la porte de Versailles – et je ne suis pas la seule, tous les journalistes font de même –, à l’ascendant qu’a pris Emmanuel Todd sur l’esprit de Chirac. Je ne connais évidemment pas les dates ni la fréquence de leurs rendez-vous, en tout cas, lorsque les deux hommes se sont vus pour la première fois, l’année dernière, Emmanuel Todd était en train d’écrire Le Destin des immigrés . Sa conviction, après une longue étude du comportement électoral français depuis 1981, est que la structure de la société française n’est pas consensuelle, qu’elle oppose deux groupes quantitativement comparables : une classe moyenne relativement diversifiée, un monde populaire homogène par ses aspirations et son niveau. De façon assez schématique, on peut traduire cette réflexion en termes électoraux clairs : à Balladur la classe moyenne divisée, à Chirac les classes populaires. Chirac avait besoin de trouver sa voie de passage par la gauche de la droite pour ne pas se laisser enfermer une fois de plus, comme en 1981 et 1988, dans un électorat de droite tandis queson concurrent ouvrait au centre. Emmanuel Todd a fourni à Jacques Chirac les arguments sociologiques d’un changement de discours.
    Dans la salle, succès assuré.
    18 février
    Nous sommes samedi après-midi. J’ai rendez-vous avec Charles Pasqua au ministère de l’Intérieur désert. Il n’a aucune envie de parler stratégie. Il est le nez dans le guidon – celui des « écoutes téléphoniques » Schuller-Maréchal : « On est toujours rattrapé par l’Intérieur, soupire-t-il. J’ai voulu m’occuper d’aménagement du territoire : cela ne sert à rien. C’est pour cette raison qu’en 1993 je ne voulais plus revenir place Beauvau. »
    Le Monde vient aujourd’hui de sortir l’histoire des « écoutes téléphoniques » autorisées par Matignon dans l’affaire Maréchal. Un palier est donc franchi dans la polémique qui dure depuis plusieurs semaines : de l’Intérieur, l’attaque est montée d’un cran, sur Matignon. Pasqua a eu Balladur au téléphone. Celui-ci était furieux, car il doit passer à la télévision demain et il sent bien que toutes les questions vont tourner autour de cette sale affaire.
    « Mais comment Matignon a-t-il pu donner son autorisation ? Je n’en savais rien ! aurait déclaré Balladur.
    – Et moi donc ! lui aurait répondu Pasqua. Mais que voulez-vous que nous fassions : ou bien nous sommes des menteurs, ou bien nous sommes

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