Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
n’a pas pu se promener aujourd’hui à Poissy où il tenait une réunion ; il s’est contenté de faire quelques pas, dit la dépêche de l’AFP, puis, parvenu dans une zone dangereuse, a dû battre en retraite. Rien ne lui sera épargné...
Une violente contestation du programme de Lionel Jospin a eu lieu au dernier bureau exécutif du PS : Julien Dray a reproché à Jospin de ne pas avoir assez parlé des problèmes d’exclusion. « Marginal », me commente Claude Estier. Force est de constater que beaucoup d’amis et de fidèles de Mitterrand, dans cette campagne, se disent plus proches de Chirac que de Jospin.
Retournements de veste à gauche : Pierre Bergé est en tête, mais il s’explique, je trouve, assez bien dans Le Monde : ses propos sont mesurés ; il ne s’agit pas tant d’un ralliement que d’une condamnation de la politique Balladur. Mais que ce soit des jeunes de l’ancien mouvement d’Harlem Désir qui brandissent les pancartes du candidat radical Jean-François Hory, cela aussi montre bien le peu de soutien apporté par les amis du Président au candidat Jospin. D’autant que ce pauvre Jean-François Hory obtiendra sans doute moins de voix à l’élection présidentielle qu’il n’a eu de soutiens, le jour de son congrès, des quelques figurants qui l’y ont applaudi. Le peu qu’il obtiendra, néanmoins, ce sera autant de suffrages en moins pour Jospin.
15 mars
Après s’être livré à une défense et illustration d’Édouard Balladur, Philippe Douste-Blazy 14 en convient : « C’est vrai, il fait une mauvaise campagne, mais les choses s’améliorent, je vous assure. Les débuts étaient terribles. Il disait, en saluant une femme dans la rue : “Bonjour, Madame la ménagère.” »
Je lui indique que dans la Sarthe, Balladur n’a rien fait de tel, qu’il m’a paru beaucoup plus à l’aise avec les Français qu’il a croisés sur sa route.
« Justement, il a appris. Il commence... C’est par pudeur qu’il ne se livre pas. Moi, ministre de la Santé, j’ai appris par une indiscrétion qu’il présidait une association d’enfants handicapés. » Cela me rappelle Charles Pasqua qui, accompagnant Balladur à Nice, le 6 mars, plaisanta en signalant aux journalistes : « Regardez et racontez-le : Balladur serre des mains, il est capable de serrer des mains ! »
Il paraît que l’autre jour, Balladur, auquel son état-major demandait d’en faire plus, a répondu, mi-figue, mi-raisin : « Pourquoi, vous trouvez que je ne fais pas assez le trottoir ? »
Pierre-Marie Christin, mon complice du petit matin à RTL, me raconte qu’il y a quelques années, allant déjeuner au journal Le Point , alors rue de Rennes, Balladur s’était étonné qu’il y eût tellement de monde dans la rue. « Hé quoi, une manifestation ? » avait-il demandé. « Non, lui avait-on répondu, ce sont les magasins Tati. – Tati, qu’est-ce que c’est ? » avait interrogé le futur Premier ministre.
Même date
Kohl a recommandé à Jospin, avant-hier, me dit Claude Estier, de faire un maximum de réunions publiques : « J’étais perdu, moi, a dit le chancelier allemand, lorsque j’ai décidé de faire une centaine de réunions publiques. Mes conseillers n’en voulaient pas, parce que ce sont des fainéants. C’est avec les meetings que j’ai fini par gagner la partie. »
16 mars
Conférence de presse de Jacques Chirac sur l’Europe à l’hôtel Méridien, à 10 heures du matin. Brouhaha sympathique. Alain Juppé est là, bien sûr, et, cette fois, Philippe Séguin, définitivement réconcilié avec le maire de Paris depuis l’esclandre de Reuilly. Tous les ralliés sont au grand complet : Madelin, Charette, Millon. Vers 9 h 50, on voit même arriver, costume et visage gris comme de coutume, Pierre Suard 15 .
J’interroge Jean-Pierre Denis : la préparation du discours sur l’Europe, avec Alain Juppé et Philippe Séguin, n’a pas dû être une tâche facile. Il me répond que pas du tout, qu’il n’y a pas eu de problème pour mettre au point ce discours. « Séguin aurait pu faire les corrections de Juppé, et vice versa. » Le discours est en effet, dans le genre, un modèle, une référence absolue : Chirac est arrivé à trouver une cohérence entre Séguin, Juppé et lui-même. Au surplus, tout le monde est servi. Giscard se voit proposer une Présidence européenne, Séguin voit réaffirmer le rôle des Parlements
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