Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
la presse. Deux études d’opinion réalisées par CSA et par Louis Harris confirment aujourd’hui la tendance de la semaine dernière. Tous les instituts enregistrent une baisse constante du Premier ministre : 10 points pour CSA, 7 pour la Sofres et l’IFOP, 5 pour Ipsos. Dans le même temps, Chirac est partout en hausse : 6 points pour CSA, un point, dans l’hypothèse la plus basse, pour la Sofres.
L’effritement d’Édouard Balladur est réel chez les chefs d’entreprise et les commerçants, il est également sensible parmi les sympathisants de l’UDF, tandis que Chirac, ancré dans le RPR, progresse au sein de l’UDF. En janvier dernier, il y a quelques semaines à peine, Balladur devançait Chirac de deux points (46 contre 44) au sein du RPR. Selon CSA, le pourcentage d’électeurs favorables au RPR prêts à voter Balladur a chuté de 35 % le 6 février, puis de 27 % à la fin du mois, le 28. Dans le même temps, toujours selon Le Monde , Chirac est passé à 50 %, puis à 52 % au sein du RPR. Et il a grimpé de 9 à 22 % dans l’électorat UDF. Mêmes chiffres, à peu de chose près, chez Louis Harris.
7 mars
Conférence de presse de Lionel Jospin au Palais des Congrès de la porte Maillot. J’ai presque envie de dire : « Enfin ! », tant il a tardé à entamer sa campagne. Programme nettement axé à gauche, premier tour oblige : le candidat socialiste veut « retrouver un meilleur équilibre entre les salaires et les profits ». Il propose, comme d’ailleurs la plupart des candidats, d’alléger nettement les charges sociales sur les bas salaires et d’étendre la CSG à l’ensemble des revenus du capital, mais aussi une fiscalité plus juste, l’instauration d’une taxe de 1 pour 1 000 sur le mouvement des capitaux, les 37 heures de travail hebdomadaires sans réduction de salaires. Le tout est un poil ennuyeux, un peu trop long, mais cela étant, l’art est difficile : si on en dit trop, on dresse un catalogue ; pas assez, on est creux...
La couleur choisie par l’équipe de Jospin est la couleur bleue (Balladur, c’est la couleur pêche). Au premier rang, côte à côte derrière une haie de photographes, Dominique Strauss-Kahn, bronzé (il revient de vacances avec Anne et les enfants), Martine Aubry, Claude Estier – le seul mitterrandiste, toujours là. Dans la salle, tous les journalistes entassés.
Même si j’ai trouvé cela un peu lent, la gauche est de retour. Et puis, dans le malstrom Balladur-Chirac, Jospin survient au bon moment pour faire passer un peu d’air frais. Il a beau être associé depuis des années à la vie du Parti socialiste français, il en arriverait presque, à l’heure qu’il est, à apparaître comme un homme nouveau. D’autant plus qu’il est, pour le moment, premier dans les sondages ! Cela n’a rien d’étonnant, puisque la droite est divisée. Seulement voilà : qui l’aurait dit, au début de l’année ?
8 mars
Barre a renoncé à être candidat. Le jour d’après, ç’a été au tour de Giscard qui a choisi TF1 pour le faire savoir. Une émission où il a été de bout en bout éblouissant. Avec un humour qu’on ne lui connaissait pas sur sa propre personne et sur son influence politique, qu’il juge lui-même médiocre. Ce qui ne l’empêche pas de se moquer de la politique du Premier ministre en matière d’emploi. Édouard Balladur a fait figurer dans son programme son intention de remettre au travail 200 000 chômeurs par an pendant cinq ans. De trois millions, le chiffre du chômage passerait ainsi à deux millions. Exclamation féroce de Giscard : « Vous parlez d’un programme ! »
Charles Millon, après avoir retiré sa candidature, le fait savoir aujourd’hui : il se rallie à Chirac. C’était un secret de polichinelle. Il n’empêche : son ralliement fait du bruit.
« Il n’y a plus de gouvernement », me dit Alain Madelin ce matin. À l’avant-dernier Conseil des ministres, le 1 er mars, aucun texte n’était présenté, hormis un texte sur les pompiers ! Inutile de dire que Mitterrand y a été de sa petite phrase sur le « texte rescapé de la campagne présidentielle »...
Je demande si, aujourd’hui, puisque le Conseil des ministres a lieu dans une heure, il pense que d’autres textes vont être discutés. « Pas que je sache », me répond-il.
Il cache à peine la sorte de jubilation qui s’empare de lui à l’idée que Chirac, pour lequel il
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