Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
l’employeur pendant deux ans et des diminutions des charges sociales. L’allègement du coût du travail est évalué à une vingtaine de milliards de francs, qui porteront sur les salaires allant jusqu’à une fois et demie le SMIC : « Un tel transfert, dit-il, est sans précédent. »
À suivre, une panoplie de mesures contre l’exclusion, dont la revalorisation de 4 % du SMIC et de 2,8 % du minimum vieillesse, des mesures sur l’augmentation des aides à la création d’emploi des petites et moyennes entreprises, et la simplification des procédures administratives pour l’embauche, sans oublier la relance du logement. Tout cela en affirmant la volonté de réduction du train de vie de l’État, de changement de ses structures et de son organisation. Et, en glissant vite sur l’augmentation des impôts rendue nécessaire parces annonces : deux points de plus pour la TVA 38 , surtaxe des impôts sur les sociétés, et le tour est joué. Les patrons d’entreprises, les petits commerçants feront la tête, mais après tout, il faut bien combler la « fracture sociale » que dénonce le chef de l’État depuis 1994.
Juppé est aujourd’hui tout à fait dans le ton de la campagne de Chirac : le chômage, l’exclusion, la justice, la protection sociale, etc. Il est bien meilleur que le mois précédent. Plus optimiste, aussi, me semble-t-il : « Nous avons, conclut-il, toutes les cartes en main pour réussir. »
23 juin
« Pourquoi donc, m’a dit Philippe Séguin que j’ai croisé dans l’après-midi à l’Assemblée nationale, pourquoi diable Chirac a-t-il reçu la semaine dernière les partenaires sociaux ? Pourquoi Gandois 39 ? Il n’arrive pas à trouver sa vraie distance. Il est soit trop extérieur, soit trop impliqué. »
À surveiller, me dit dans la même salle des Pas-Perdus un député chiraquien – j’ai oublié lequel –, l’organisation des balladuriens à l’automne. C’est vrai : la défaite les a fait oublier. Certains ont plaidé auprès de Chirac qu’il serait bon, dans le but de le neutraliser, qu’Édouard Balladur lui succède à la Mairie de Paris, et de refaire une sorte d’unité du RPR autour du pardon. Chirac a refusé tout net. La plaie n’est pas cicatrisée, même si l’intérêt du RPR et de Chirac serait dans l’oubli des offenses. Sarkozy, Bazire, Balladur lui-même, tout ce qui a suscité mon investigation quotidienne pendant deux ans d’affilée a disparu du jour au lendemain. Balladur se trouve à Chamonix, mais les autres ? Ils ne resteront pas longtemps sans s’organiser.
26-27 juin
Au sommet européen de Cannes, qui a eu lieu ce week-end, et surtout au G7 d’Halifax, Jacques Chirac, paraît-il, a fait sensation. Évidemment, son style n’est pas celui de Mitterrand ! On imagine lechancelier Kohl, habitué aux murmures complices de l’ex-Président, confronté à la personnalité de Chirac, qu’il connaît peu et dont le franc-parler, surtout depuis qu’il a été élu, n’a pas d’égal dans les sphères internationales.
Le premier à avoir fait l’expérience du dynamisme de Chirac a été le pauvre Premier ministre néerlandais qui s’est fait houspiller par lui il y a quinze jours sur le thème : « Comprenez-moi bien, l’a-t-il menacé. Ou bien vous vous décidez à lutter contre l’exportation de toutes sortes de drogues en vente libre chez vous, ou bien je ferme nos frontières ! »
Sur la Bosnie, la Serbie, l’éventuelle levée de l’embargo des livraisons d’armes à la Bosnie par les États-Unis, Chirac dit tout haut, en termes fort peu diplomatiques, ce que lui – et beaucoup de Français avec lui – pense tout bas. Je trouve que cela fait passer un peu d’air frais dans ces sommets où tout, dirait-on, y compris le ton, est préparé et façonné par les « sherpas ». Mais j’entends aussi les exclamations désolées de certains membres du corps diplomatique...
10 juillet
Qu’Alain Juppé connaisse dès le départ quelque chose qui ressemble à du désamour, voilà qui n’était pas prévisible. Aujourd’hui, tous les reproches lui tombent sur la tête. Le premier, celui relatif aux logements de la Ville de Paris et à son propre domicile, est le plus spectaculaire, mais c’est aussi peut-être le moins grave, car le milieu politique, toutes tendances confondues, n’a aucun intérêt à gratter trop fort du côté du parc locatif privé de la capitale. Il reste que,
Weitere Kostenlose Bücher