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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Mitterrand ait pensé à remplacer, dans son bureau, le meuble moderne sur lequel il travaillait par celui du général de Gaulle qu’il avait fait descendre dans les sous-sols du palais présidentiel en 1981.
    Il me confirme ce que Charles Pasqua a écrit à propos des rapports entre Balladur et Mitterrand, dont je pensais qu’ils ne s’étaient dégradés qu’à partir de 1994. Eh bien non, le malaise entre eux a commencé plus tôt : dès l’été 1993, au moment où Édouard Balladur a revendiqué, à l’occasion d’une interview sur RMC, son rôle dans l’élaboration de la politique de défense de la France. Cette interview-là m’avait échappé, je n’avais noté que celle, plus tardive, au Figaro , en 1994, sur la politique étrangère. C’est au cours de l’été 1993 que, pour la première fois, Mitterrand s’est plaint à Dumas de ce que Balladur lui avait « manqué ».
    Nous parlons de l’évolution de la maladie de François Mitterrand. Dumas confirme qu’il l’avait entendu parler d’un cancer bien avant l’automne 1992, date de son opération au Val-de-Grâce. En août de la même année, donc avant son hospitalisation, Roland Dumas avait trouvé le Président affaibli, très fatigué. « Je me suis levé dix-huit fois dans la nuit », lui avait-il confié ce jour-là. Les dernières volontés écrites de Mitterrand ont été rédigées avant l’opération de 1992, preuve, me dit Dumas, qu’il se sentait déjà très atteint.
    Dumas se trouvait dans le Falcon qui amenait en Charente, à Jarnac, pour l’enterrement privé, Danielle Mitterrand et Anne Pingeot.Les relations entre les deux femmes ont été difficiles au début, ce qui peut se comprendre. Il a fallu sans doute beaucoup d’intelligence pour arriver à ce que l’une et l’autre acceptent de partager ce deuil. Mais, après tout, elles le connaissaient et l’aimaient comme il était.
    Quant à l’enterrement public, il a eu lieu à Notre-Dame en présence de soixante chefs d’État et de gouvernement du monde entier. Fidel Castro, Boris Eltsine, Juan Carlos, Al Gore sont entrés l’un après l’autre dans la nef. Jacques et Bernadette Chirac étaient là, Valéry Giscard d’Estaing aussi, bien sûr, avec tout le gouvernement Juppé, la plupart des anciens Premiers ministres. « Je suis né chrétien et je mourrai sans doute dans cet état. Dans l’intervalle... », avait dit un jour Mitterrand.
    12-13 janvier
    Déplacement en Corse où Jean-Louis Debré 3 s’efforce, après que soixante-dix attentats en deux mois ont plongé l’île dans le désordre, d’aller prêcher la bonne parole. Je retrouve la préfecture d’Ajaccio, rose et coquette, havre de paix dans cet univers presque hostile, les rues, le port, la mairie sur la place, le musée Napoléon dans la rue perpendiculaire.
    Je ne comprends pas très bien pourquoi, en pleine vague de violence, Debré est allé rencontrer les élus corses et, avec eux, les nationalistes. C’est pour comprendre, justement, que j’ai tenu à rejoindre la troupe de journalistes qui a accompagné le ministre de l’Intérieur. Dans la nuit de jeudi à vendredi, cinq cents représentants du FLNC se sont réunis dans le maquis où ils ont été abondamment filmés, encagoulés, faisant étalage d’un arsenal allant du pistolet-mitrailleur au lance-roquette. Ils ont profité de la présence de caméras, dûment sollicitée, pour proposer au gouvernement, du haut de leur arrogance, une trêve de trois mois.
    Évidemment, cette démonstration de force a fragilisé, pour ne pas dire ridiculisé la volonté d’ouverture du gouvernement. On peut tout de même se demander comment cinq cents nationalistes ont pu se déplacer dans la nuit, s’organiser pour transporter leur matériel de guerre, avec tout ce que cela représente de trafic nocturne de camions et autres véhicules, comment la télévision a pu déployer ses moyenssans que le préfet, la police, la gendarmerie en aient été informés. Complicité, peut-être. Inefficacité, sûrement.
    Dialogue, a dit Debré dans son discours officiel, ne veut pas dire compromission ; fermeté n’est pas synonyme d’aveuglement ; et compréhension ne signifie pas complaisance. Il a peut-être raison, et pourtant la façon dont les nationalistes ont accueilli ses propos condamne toute tentative de remise en ordre.
    Je me rappelle le statut de la Corse mis au point par Pierre Joxe sous Mitterrand, et ses efforts

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