Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
vaut perdre les élections que perdre son âme ! »
Je ne mesure pas la force de Michel Noir au sein du RPR. Il me semble qu’il n’exerce pas une influence aussi grande qu’il le souhaiterait. Il n’a pas de courant, pas d’amis véritables au RPR. En ce qui me concerne, je n’ai entendu parler de lui qu’en 1978, lorsqu’il est devenu, très jeune, à 34 ans, député du Rhône. Fils de déporté, gaulliste, il s’est fait tout seul, ce qui ne lui donne toutefois pas le monopole de la vertu républicaine.
A-t-il agi seul ? Est-il, dans cette dénonciation du Front national,précurseur d’une rébellion des jeunes contre tous ceux qui, en le disant ou sans le dire, accepterait de pactiser avec le Front national ?
J’imagine sans difficulté, pendant que tout le RPR s’agite, le sourire de Mitterrand. Il leur a « refilé » Le Pen comme un mistigri, et en plus cela marche ! Cela marche, en tout cas, dans toutes les colonnes de tous les journaux, et au JT. Nous venons d’assister à la mise en orbite d’une nouvelle vedette de la politique – à moins que nous ne l’ayons inventée ? !
1 er juin
Au tour de Léotard de se voir pousser des ailes. Quel jeu joue-t-il, sinon le sien ? Si on suit son itinéraire depuis quelques mois, on ne comprend rien : en mai 1986, alors qu’on le croit fidèle de Giscard, il se rapproche de Jacques Chirac. À la fin de l’année, il est le premier (à mon avis, il n’avait pas tort, vu ce qui a suivi !) à demander à Chirac d’abandonner la loi Devaquet. À tel point que Chirac commence à bon droit à douter de son soutien. C’est d’autant plus drôle qu’il voulait, en mai dernier, lui confier un grand ministère, et que c’est Mitterrand qui s’y était opposé 26 ! Et voici qu’aujourd’hui, il publie un article acide sur Chirac, qui, selon lui, s’appuierait trop sur « les moines-soldats du RPR, lesquels, dit-il, manifestent un goût du pouvoir sans partage ». Il ajoute qu’il est « exclu » qu’il soutienne Chirac à la prochaine présidentielle.
Je suppose que Léotard et sa bande font monter les enchères. Mais pour quoi ? Pour obtenir de Giscard qu’il se présente en 1988 ? Il serait fou, si c’était le cas. Raymond Barre ? Ou bien plutôt lui-même ?
Si Chirac ne reprend pas la situation en main, son gouvernement va se diviser en supporters d’une multitude de candidats : Chirac, bien sûr, mais pourquoi pas Giscard ? Barre serait sans doute le mieux placé pour l’UDF. Et Léotard lui-même, qui sait ? Une chatte n’y reconnaîtrait pas ses petits.
Si j’ajoute l’éclat de Michel Noir, le mois dernier, pour lequel Alain Juppé et Michèle Barzach m’avaient paru bien compréhensifs, Chirac est plus seul qu’il ne le croit, et la majorité moins unie qu’ellene l’était après sa victoire. La dégradation est allée vite, très vite même.
Il est fort, tout de même, Mitterrand !
8 juin
Bisbilles au Conseil des ministres entre Chirac et Léotard. En gros, si j’ai bien compris (je n’y étais pas), Chirac a reproché à Léotard son engagement contre lui. Léotard a compris qu’il pouvait se faire ficher dehors par Chirac, et il a mangé son chapeau ; il a tout de suite fait savoir qu’il était ministre d’un gouvernement et qu’il comptait le rester.
Amusant de voir à quel point cette droite qui a aujourd’hui tout, y compris le pouvoir, s’ingénie à se diviser. Chirac, Giscard, Barre, et puis maintenant les jeunes, au RPR comme Michel Noir, à l’UDF comme Léotard, qui attendent de monter dans le bon train, le bon wagon.
D’où je suis, à TF1, clouée dans mon bureau par mes fonctions de direction, je ne suis pas sur le terrain, mais je capte une à une toutes les images qui me parviennent de ces minuscules conflits.
Juillet
De cette cérémonie des Sept d’or 27 à laquelle j’ai assisté cette année au nom de TF1, je me souviendrai longtemps. Nous avions hésité, avec Le Lay, Mougeotte et les autres, sur l’attitude à adopter. Nous savions que les professionnels qui remettent les prix à l’occasion de la distribution annuelle des Sept d’or en profiteraient pour sanctionner la privatisation. Fallait-il néanmoins bouder le dîner Télé 7 Jours ou y participer ? Nous avons conclu qu’il fallait y aller, mais que notre présence devait néanmoins être réduite au minimum. Le sort était tombé sur Patrick Le Lay et moi.
Nous étions donc tous
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