Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
cela », dit-il – attachés historiquement aux droits de l’homme, aux libertés, et qu’il est difficile de trouver la formulation d’une loi qui puisse être acceptée par tout le monde, y compris par l’ensemble de la majorité. « La seule logique, dans tout cela, nous dit-il, retirer les lois Pasqua. »
Il a vraiment l’air de trouver qu’il avait mieux à faire.
18 février
Cela ne l’empêche pas d’intervenir sur cette question en réponse au président du groupe UDF de l’Assemblée, Gilles de Robien. Il le fait en appelant les parlementaires à la « réflexion et à la sérénité ». Il redit que les principes de la loi sont de combattre l’immigration irrégulière, de favoriser au contraire l’intégration des étrangers en situation régulière, enfin, troisième volet, d’aider au développement des pays générateurs d’immigration pour qu’ils gardent chez eux les hommes et les femmes qui rêvent d’en partir et cherchent à y parvenir par tous les moyens.
Il rappelle aux socialistes qu’en 1982, Gaston Defferre lui-même a institué le certificat d’hébergement. « C’était une bonne mesure, et cela le reste. À ceci près qu’elle a été fraudée, à l’entrée en France, à l’aide d’adresses fantaisistes, et, à la sortie, par le passage à la clandestinité de certains lorsqu’ils n’avaient plus d’hébergement. Je mets en garde, ajoute-t-il, ceux qui, avec des motivations diverses et des intentions généreuses, mélangent les deux immigrations [la régulière et l’irrégulière]... Ne font-ils pas le jeu de ceux qu’ils veulent combattre ? »
Bonne question, en effet, que les socialistes devraient prendre pour eux.
Quoi qu’il en soit, Juppé ouvre la porte aux améliorations que pourraient apporter les parlementaires : « Le gouvernement, répète-t-il, est ouvert dès lors que les amendements permettront un contrôle efficace à l’entrée comme à la sortie. »
Son discours est assez efficace pour recoller sa majorité et ne pas trop mécontenter l’opposition. D’autant qu’il termine évidemment par un « hymne aux valeurs de la République ». Je ne sais pas ce qu’il adviendra, au fil de la discussion à l’Assemblée nationale, de la loi Debré. Il me paraît que Juppé a tout de même un peu déminé le terrain.
Michel Péricard, que je croise dans la Salle des Pas-Perdus, me confirme qu’à l’occasion de la réunion du groupe RPR, mardi matin, Alain Juppé a incité les parlementaires à ne pas en remettre, et à pratiquer l’art de faire retomber le soufflé.
20 février
J’avais vu juste. L’ouverture de Juppé aux parlementaires a trouvé preneur. Pierre Mazeaud a sauté sur l’occasion pour proposer, hier, un amendement sur les dispositions relatives aux certificats d’hébergement et aux contrôles à la sortie du territoire 12 .
24 février
François Bayrou, qui vient d’être publiquement félicité par Jacques Chirac 13 pour sa réforme de l’Éducation nationale, est l’exemple d’un ministre qui a su se sortir de bien des situations difficiles, notamment quand on se réfère à ses débuts, sur la loi Falloux qu’il a su faire oublier en se montrant habile avec les syndicats d’enseignants. Un mot seulement sur Chirac dont il vante « l’intuition politique », puis nous parlons de ce projet de référendum qui court sur l’Éducation nationale. Je lui demande pourquoi Chirac l’avait inscrit dans son programme : « Parce que le mot était dans le Dictionnaire de la réforme 14 de Balladur, me répond Bayrou non sans quelque perversité. Quand on ne sait rien faire sur l’Éducation nationale, c’est connu, on demande un référendum. L’autre jour, Balladur me disait justement : mais qui a donc mis cette idée de référendum dans la tête de Chirac ? Je lui ai répondu : c’est vous ! »
Lorsque Bayrou est arrivé au ministère de l’Éducation nationale, c’est lui qui me le raconte, tout le monde lui a conseillé de « recoller » avec la FEN et de ne pas transiger avec la FSU 15 . Il a fait le contraire, m’explique-t-il, en entrant en discussion avec Monique Vuaillat, secrétaire générale de la FSU, et en réussissant à s’entendre avec elle, contrairement à ce qu’avait fait, il y a des années, Claude Allègre, alors conseiller de Lionel Jospin rue de Grenelle. « Bien m’en a pris : ma réforme est passée sans difficulté », se réjouit-il. Il est
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