Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
dossier mieux que jamais ! »
Qu’est-ce qu’il lui trouve, Jacques Chirac, à Boris Eltsine ? « Il est honnête et courageux, répond le Président, dans un monde où peu d’hommes le sont. C’est suffisant, non ? »
Nous passons à l’OTAN. Chirac est-il prêt à ce que la France rejoigne l’OTAN ? Il répond avec nuance : « Je dis à Pierre Messmer que, pour le moment, je n’ai rien fait pour rentrer dans l’OTAN. Je suis obligé, si une défense européenne existe, d’y entrer. Mais ce sera dans une OTAN dont les missions ont forcément changé depuis le général de Gaulle. Je ne leur demande qu’un geste symbolique : le commandement, pour la France, du flanc sud de l’OTAN. Je n’ai pas demandé que des Français commandent la VI e Flotte ! Les Américains souhaitent l’intégration dans l’OTAN de quatre ou cinq pays de l’Est. Pas la Russie. Je comprends donc parfaitement Eltsine, et je le lui ai dit, lorsqu’il demande à être protégé de l’OTAN. »
Pas de changement dans sa position vis-à-vis du Moyen-Orient : une grande suspicion vis-à-vis des intentions de Netanyahu. « Je ne sais pas ce qu’il veut ni ce qu’il peut. Nous lui avons arrachél’accord d’Hébron 7 , en janvier dernier, et celui-ci n’est toujours pas appliqué. »
En revanche, il se considère comme un intermédiaire incontournable lorsqu’il s’agit de la Syrie : « La revendication, poursuit-il, est celle du Golan. Netanyahu le sait. Avant l’élection de mai 1996 en Israël, Shimon Peres l’avait accordé à Hafid el-Asad. Croyant qu’il allait gagner, Asad a tenté de faire monter les enchères. Mais Peres a perdu. Et Asad aussi, puisque Netanyahu est arrivé au pouvoir. »
Décidément en verve, il continue sur la monnaie européenne. Pas le moindre soupçon d’euro-scepticisme dans ses propos : « L’euro est une chance formidable pour la France, assure-t-il avec conviction. L’euro devient une monnaie mondiale, ce que n’étaient ni le mark ni le franc. Car ce sont les Allemands, en l’occurrence, qui nous font un cadeau royal ! »
Il dit les Allemands – il veut dire Helmut Kohl, car il ajoute aussitôt que beaucoup d’hommes politiques, en Allemagne, souhaiteraient, plutôt que de marcher vers l’euro, renforcer au contraire la zone Mark, l’étendre aux pays de l’Est, tropisme allemand de toujours dans l’Histoire. « Kohl, plaide Chirac, doit faire face à des tensions formidables dans son propre pays. Je suis convaincu qu’il tiendra bon. »
Et qu’adviendrait-il de l’euro si Kohl était battu aux prochaines élections, en 1998 ? Aucun doute pour Chirac : « Il se représentera très certainement, et il sera élu. L’euro se fera. Il n’y a aucun doute dans mon esprit. »
Il croit en sentir un, de doute, chez ses interlocutrices. Il insiste : « Cela se fera ! À Dublin, pour le pacte de stabilité, tout le monde me disait ici que la négociation allait échouer. C’est toujours comme cela : les pays font monter les enchères avant une réunion de ce type. Mais, finalement, on débouche toujours, quand on le veut, sur un accord. Ce sera le cas, fin 1997, pour accélérer la naissance de l’euro. »
Je quitte l’Élysée convaincue que si Chirac nous a noyées sous ses confidences internationales, ce n’était pas seulement parce qu’il avait envie de parler de son cher ami Eltsine ou de l’euro. C’était pour éviter de parler de Juppé, de ses difficultés, du remaniement qui n’a pas eu lieu.
17 février
Les projets de loi sur l’immigration mobilisent enfin le Parti socialiste. J’écris enfin , car, depuis le temps que la majorité annonce sa volonté de légiférer sur le sujet, le PS a eu du retard à l’allumage ! Par exemple, lorsque la commission ad hoc de l’Assemblée nationale 8 a été créée, dès 1995, à la demande de députés RPR fortement remontés contre l’immigration irrégulière, les parlementaires socialistes se sont contentés de quitter ladite commission. Pas davantage de réaction lorsque, en avril 1996, le rapport de la commission d’enquête parlementaire a été rendu public. Paradoxe : la dureté des propositions qu’il contenait a suscité davantage de remous à l’intérieur de la majorité que dans l’opposition, qui continuait de faire comme si ce projet ne la regardait pas.
Tout le monde savait pourtant qu’il existait, au sein de la majorité, surtout après
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