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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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que ses réflexions restent superficielles : « C’est pour cela, me dit-il, que je me dispense le plus souvent d’y participer. »
    Nous visitons, à Rochecorbon, en Indre-et-Loire, une entreprise multimédia qui exploite le Registre national du commerce (Euridile) et qui vérifie, dit le patron avec fierté, 600 000 bilans et statuts annuels. Les bouchons de vouvray sautent pendant qu’il vante ses mérites et ceux de ses salariés. Balladur répond par un topo sur le poids et la nécessité des services dans la vie du pays.
    Puis il apporte son soutien à Bernard Debré, grand médecin, ancien député du département et qui souhaiterait le redevenir. À l’hommage appuyé de celui-ci, Balladur répond en appelant les électeurs présents à élire Bernard Debré : « Les aléas de la vie, dit-il, font qu’il a quitté le devant de la scène depuis trop longtemps. Il n’est que temps qu’il y revienne. C’est votre intérêt, c’est le nôtre, et c’est celui de la France. »
    Besoin de liberté, besoin de justice, besoin de l’État, besoin d’être fiers de notre pays : le discours de Balladur développe tous ces thèmes. Pas une fois, pendant cette demi-heure, il ne dit un mot de Chirac ou de Juppé.
     
    Nous voici, une heure plus tard, à la permanence de Renaud Donnedieu, à Tours. Quelques journalistes locaux y attendent l’ancien Premier ministre. Je ne retiens ici qu’une réponse apportée par Balladur à la question : « Comment interprétez-vous la phrase de Jacques Chirac : il faut que la France parle d’une seule voix ? »Réponse claire : « La cohabitation est prévue dans nos institutions. Elle est parfois inévitable, jamais souhaitable. »
    Suit, à 19 h 15, le meeting annoncé. Balladur et Donnedieu jouent à fond la carte de la majorité unie tout en se déversant l’un à l’autre des tombereaux de fleurs. Balladur défend publiquement l’utilité de la dissolution alors que je le sais là-dessus très critique. Il reprend l’argumentaire classique : « Si nous avons besoin d’un nouveau mandat, c’est pour être soutenus, pour aller plus vite dans la voie des réformes. »
    Suit une attaque, classique elle aussi, du programme de la gauche qui, on s’en doutait, « ne lui inspire pas confiance. Il est flou, vague et, lorsqu’il est précis, il est rétrograde ».
    Pas un accroc, donc, de Balladur au discours officiel de la majorité.
    Dans le train qui nous ramène de Tours, il me confie qu’il n’acceptera jamais d’être ministre, ce qui est une façon de dire que, si on lui propose Matignon, il ne dira pas non. D’où l’orthodoxie de ses propos publics d’aujourd’hui.
    Il s’étonne néanmoins en privé de la dernière intervention de Jacques Chirac à l’occasion de l’arrivée d’Helmut Kohl en France. « La cohabitation, dit-il, il vaut toujours mieux l’éviter. Laisser entendre qu’elle peut avoir lieu est une façon de considérer qu’on peut perdre. C’est d’une grande maladresse. »
    25 mai
    Premier tour. Je note simplement sur ce carnet, après la soirée électorale, les points dominants : très bons résultats du PS, qui arrive en tête avec de nouveaux leaders, plus jeunes et souvent féminins. Non-mobilisation de la majorité et émiettement à droite entre le RPR, l’UDF. Et succès du Front national qui, avec près de 15 % des voix, devance l’UDF. Enfin, effondrement du PC, avec moins de 10 %. Jospin a eu raison de ne pas entrer dans d’interminables négociations avec lui et de montrer qu’il avait, avec les Verts, évité le tête-à-tête PC-PS 30 . Je reviendrai sur ces résultats demain.
    Juste quelques mots, parce qu’il est bien tard. Ils concernent le lapsus de Jean-François Mancel 31 , cette nuit. Fallait-il la faire, luidemande-t-on, cette dissolution ? Il répond après une ample inspiration : « Il n’est jamais bon de donner la parole au peuple. »
    26 mai
    Dominique Strauss-Kahn, ce matin, à la radio, se garde bien d’être optimiste. « Attention, dit-il, très souvent le deuxième tour corrige le premier. Cela a été le cas en 1967 et en 1978. » Il m’explique que, bureau de vote par bureau de vote, on s’aperçoit que la mobilisation de la gauche a été de 10 % supérieure à celle de la majorité. « Il s’agit donc de maintenir la mobilisation à gauche. Quoi qu’il en soit, il faut voir dans ce premier tour un grand désaveu de la majorité. »
    François

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