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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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croire. »
    Il se déchaîne enfin sur Philippe Séguin : « La complaisance de la presse à son égard [et la mienne, donc !] me donne des boutons ! Si je faisais autant de volte-face que lui, je ne sais pas ce que vous écririez sur moi ! » Il continue dans cette veine : « La pensée séguiniste est labyrinthique. Sur l’emploi, sur l’Europe, sur le libéralisme, vous avez lu son bouquin ? Cent cinquante pages éblouissantes, mais rien, pas une idée ! Mettre l’emploi au cœur de la réflexion, mais comment : faire un pontage ? » Et il ajoute pour faire bon poids : « Les journalistes ont peur de lui, ont peur de ses grosses colères. Ils ne sont pas les seuls, d’ailleurs. » Sous-entendu : Chirac aussi.
    Sur Jospin, son discours est encore plus sévère, mais plus attendu : « Il a un discours nul, son programme est nul sur les nationalisations, sur l’emploi et sur l’Europe. Il n’a aucune colonne vertébrale. » Juppé prend deux exemples : « Un type qui est capable, en deux occasions, de prendre les positions qu’il a prises sur les sans-papiers : l’homme que je suis réprouve ; le citoyen défile. Honteux ! Sur la drogue, aussi ; interrogé par Karl Zéro sur le cannabis, il dit : je suis contre la légalisation ; et je suis contre la pénalisation. Nul ! » Il ajoute : « Cela ne l’empêche pas de continuer à être payé par le Quai d’Orsay ! » Il est fonctionnaire, comme beaucoup, non ? lui objectons-nous. Il s’emporte : « Il y a des gens qui paient leur loyer pendant des mois, que l’on poursuit et accable de tous les maux ; et d’autres qui continuent à se faire payer, et à qui on ne dit rien ! »
    Nul d’entre nous n’ose le couper pour parler d’un certain appartement de la rue Jacob qui lui a valu beaucoup d’ennuis, en 1995.
    Nous l’interrogeons plutôt sur ses erreurs. En a-t-il commis ? Il ne regrette rien : « À partir du moment où j’avais accepté les 3 % de Maastricht, où je m’étais donc engagé à ramener les déficits de 5,4 % à 3 %, je ne pouvais faire ni autrement, ni mieux.
    – Avez-vous hésité à faire ce choix ?
    – Oui, je l’ai d’ailleurs dit, sur le moment. »
    Il reprend : « Et puis j’ai aussi voulu honorer certaines promesses de Chirac. J’ajoute que j’avais les 40 milliards des privatisations dans la vue. »
     
    Un déjeuner de la majorité suit cette émission : il n’a évidemment pas dit publiquement ce qu’il nous a dit en privé. Sinon, on imagine le tollé ! Là, le déjeuner a l’air de bien se passer. Les images montrent Sarkozy en train de rire à l’histoire que lui raconte Bayrou.
    Le Président, nous indique Catherine Colonna, sa porte-parole, assumera sa position jusqu’au bout. Sa stratégie est simple : être président de la République et saisir l’occasion de ses déplacements officiels pour être néanmoins présent dans la campagne. Exemples : son voyage en Chine a été réussi, il aura un impact sur la politique intérieure. Même chose pour la rencontre avec Kohl : là aussi, l’Europe est au cœur de la campagne, mieux vaut la faire avec nous qu’avec Jospin. « Il a choisi cette stratégie, et elle marche bien ; pourquoi en changerait-il ? »
     
    À 18 heures, je rencontre Philippe de Villiers, peu préoccupé de sa mise en cause politique par Léotard. « Mes électeurs, me dit-il, ont une phobie : le retour des socialistes. Ils ont aussi une allergie : Alain Juppé. »
     
    Dans la soirée, Chirac donne raison à l’analyse de Catherine Colonna. Il a saisi l’occasion de la visite du chancelier allemand pour affirmer que « la France ne pourra défendre ses intérêts que si elle est capable de parler d’une seule voix ». Façon de condamner toute cohabitation.
    Il se trouve que Jospin, qui était invité du 20 heures sur France 2,lui a immédiatement rétorqué que, sur l’Europe, le PS n’avait guère de divergences avec la majorité – ce que démontrent les cohabitations précédentes.
    La mise en garde, il n’y a pas d’autre mot, de Jacques Chirac sur la cohabitation montre a contrario , s’il en était besoin, à quel point elle séduit les électeurs...
    21 mai
    Nous sommes à quatre jours du scrutin. Je m’embarque avec Édouard Balladur pour sa tournée dans le Vouvray où il va soutenir certains de ses partisans, Donnedieu de Vabres et Bernard Debré. Il pense que la majorité va gagner, mais

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