Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
perdre la mairie. Il est mort en 1975, mais son fils, en devenant à son tour maire de Fréjus en 1977, a voulu prendre le relais et venger son honneur. Il y a évidemment là de quoi faire un héros romantique : c’est peut-être cette sorte de détermination intérieure, stimulée par une farouche volonté de revanche sur la vie, qui le fait reconnaître comme leur chef par les autres.
Entre Giscard, qui a fait sa carrière, et Chirac, il semble qu’il ait opté depuis l’an dernier pour Chirac dont il a manifestement soutenu la nomination à Matignon en mars. Aujourd’hui, il doit vouloir exister indépendamment de celui qui fut son mentor, Giscard, comme de celui qui est aujourd’hui son Premier ministre, Chirac.
4 août
La discussion sur la loi audiovisuelle commence aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Avant qu’elle ne commence, le gouvernement a résilié les concessions de la cinquième chaîne et de TV6 par deux décrets. Ainsi ces deux chaînes, dont la Haute Autorité avait contesté la naissance – car elles lui apparaissaient comme le fait du Prince –, auront vécu un an pour la première, quelques mois pour TV6 !
Je me demande si Mitterrand n’aurait pas pu émettre sur cette loi les mêmes réserves qu’il a manifestées pour les privatisations. Quel peut être son état d’esprit lorsqu’il assiste au démantèlement de la loi qu’il a fait voter en 1982, lorsqu’il voit mettre fin aux deux chaînes de télévision privées dont il avait cru qu’elles lui survivraient, lorsqu’il voit disparaître la Haute Autorité (encore qu’il ne m’ait sans doute pas pardonné, en rancunier qu’il est, ma résistance...) ?
13 août
Le Parlement a, comme convenu, voté la loi sur l’audiovisuel telle que la voulait, ou à peu de chose près, François Léotard. Les socialistes ont bien essayé de s’y opposer, notamment en déposant, sans succès, une motion de censure sur la privatisation de TF1. Après quoi le gouvernement est passé au 49.3 et tout le reste de la loi n’a pas fait un pli.
La privatisation de TF1 : franchement, tant qu’à privatiser une chaîne, ce qui n’a été fait nulle part ailleurs en Europe, je reste persuadée que mieux valait privatiser celle-là. Elle est plus populaire, son financement est déjà très largement assuré par la publicité. Antenne 2, au contraire, est plus foncièrement une chaîne de service public, même si son ton impertinent irrite parfois les hommes politiques de toutes les majorités. Quant à FR3, chaîne régionale, il eût fallu la privatiser par appartements, et je ne vois pas qui, dans le privé, aurait pu assumer, de région en région, le poids de cet énorme appareil décentralisé. La presse régionale ? Peut-être. Mais avec quel argent ?
Inutile de dire que tout ce que la France compte de créateurs s’émeut de ce choix. Moi je pense – et je l’ai dit il y a quelques années déjà à la Haute Autorité – qu’il faut à la France, comme en Grande-Bretagne, un double secteur, privé/public, condition d’une télévision moderne. Je suis tellement convaincue que, dans le secteur de latélévision, comme dans celui de la radio, mieux vaut encore la concurrence que la mainmise de l’État, à des fins purement politiques, sur la télévision.
27 août
C’est ce que je pensais : devant les Jeunes giscardiens, à Chamonix, Giscard s’est bel et bien posé hier en rival de Chirac pour la future élection présidentielle. Il a parlé du rôle unique et irremplaçable de l’UDF et de sa vocation à la réconciliation. Suivez mon regard !
3 septembre
Président de Radio France depuis 1982, Jean-Noël Jeanneney est aujourd’hui en première ligne pour défendre sa régionalisation que condamne le jeune secrétaire d’État auprès de François Léotard, Philippe de Villiers. Le libéralisme passe par là aussi : pour de Villiers, et, d’une façon générale, pour ce qu’on appelle la « bande à Léo », il faut revenir sur la politique de décentralisation de la radio publique, lui interdire toute démarche locale au moment où les Français découvrent, au contraire, la radio de proximité. Bref, que le service public s’efface, que dis-je s’efface, qu’il se prosterne devant le privé !
Jean-Noël est seul à se battre, dans la solitude la plus complète, puisque moi j’ai déserté après le vote de la loi. Il le fait avec courage, multipliant les articles dans la
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