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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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l’essai pour trois mois...
    Même au début de ma carrière, quand j’avais 22 ans, J.-J. S.-S. et Françoise Giroud m’avaient embauchée d’emblée, sur ma bonne mine. Me voici donc journaliste à l’essai ! C’est idiot : cette idée des trois mois à l’essai, que je m’efforce de prendre à la légère, me frappe, m’humilie, c’est le mot, au point que je n’ose en parler à personne. Ma réaction est disproportionnée, peut-être, mais j’ai l’impression d’avoir reçu une gifle avant même de faire mes premiers pas à la station. Je ne pardonnerai jamais à Jacques Lehn.
    Parmi les journalistes, pour dire le vrai, seuls Catherine Nay et Ivan Levaï m’ont accueillie en amie la semaine dernière. Alain Duhamel trouve, il n’a pas tort, que je fais un inutile double emploi avec lui, mais il a la courtoisie de ne pas me le faire sentir. Pour le reste, les rapports avec Jean-Pierre Elkabbach sont d’emblée difficiles, pour ne pas dire détestables. « Tu sais, quand tu étais à la Haute Autorité, moi, le pouvoir socialiste me traînait dans la boue. Alors tu comprends... » Tels ont été, ou presque, les premiers mots que nous avons échangés.
    Guillaume Durand, jeune et talentueux présentateur du « 8 heures », se demande tout haut dans les couloirs de la rédaction ce que mon éditorial peut bien apporter à son journal. Il répond d’ailleurs – et évidemment j’en suis la première informée : rien.
     
    L’actualité est plus préoccupante. Dans l’après-midi, nouvel attentat, cette fois en forme de pied de nez aux flics. La bombe a explosé au rez-de-chaussée de la préfecture de police de Paris, dans la salle Arsène-Poncey où sont délivrés les permis de conduire ! Un mort, un fonctionnaire de police, plusieurs blessés graves 11 . Cette fois, les terroristes menacent d’une action violente contre l’Élysée.
    Ce qui fait un sale effet, c’est que, cette fois, Chirac ne dit rien. Pas plus que Mitterrand, parti en Indonésie en voyage officiel.
    Silence de Chirac et de Mitterrand : Matignon explique que Chirac ne veut pas avoir l’air de parler à la place de Mitterrand. Ils se sont contentés de se téléphoner.

    16 septembre
    Pourquoi la France ? Pourquoi la France a-t-elle été aujourd’hui choisie par les terroristes ? À Matignon, dans l’entourage de Chirac, c’est la question qui rôde dans toutes les têtes sans que personne n’ose la poser. Pourquoi, en effet ? La France n’est pas anti-arabe, elle l’est même moins que de très nombreux pays européens, bien moins en tout cas que les pays anglo-saxons, cela va de soi.
    Chez Chirac, autant que je puisse en juger en rencontrant, à Matignon, Jacques Friedmann 12 et d’autres de ses collaborateurs, plusieurs hypothèses sont avancées : toutes ont évidemment pour dessein de démontrer que la présence de Chirac à Matignon n’est en rien responsable de la vague terroriste de cet automne. Première hypothèse retenue : un chantage visant à obtenir la libération de Georges Ibrahim Abdallah, promesse faite et non tenue par les gouvernements d’avant le 16 mars 1986. Autre hypothèse : celle des Iraniens, mécontents de la position de la France, favorable à l’Irak dans la guerre qui l’oppose à Téhéran.
    « Pourquoi la France ? » Matignon ne voudrait pas que la question devienne : pourquoi Chirac ?
    Toutes ces interrogations, lourdes de sous-entendus politiques, n’ont pas empêché François Mitterrand de quitter le territoire national pour une visite officielle en Indonésie. La visite était prévue, comme il se doit, de longue date, et Mitterrand n’a pas voulu, en l’annulant, plier en quelque sorte devant le chantage terroriste.
    En a-t-il parlé à Chirac ? Oui, sûrement, encore que Jacques Toubon et Edmond Alphandéry se soient crus autorisés à dire aujourd’hui qu’à la place du président de la République, ils seraient restés en France. Que Mitterrand n’ait pas voulu convoquer à l’Élysée des réunions d’experts pendant que Chirac va de réunions interministérielles en conseils de cabinet, voilà qui est néanmoins certain. Une fois de plus, Mitterrand veut montrer qu’il ne gouverne pas. S’il y a un couac, voire une catastrophe, ce n’est pas à lui qu’il faudra que la France s’en prenne !
    Position difficile à tenir, il me semble, en période de démonstration de force des terroristes.

    18 septembre
    Le silence n’était

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