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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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téléspectateurs français.
    La vérité m’oblige à dire qu’après ces moments d’enthousiasme, lediscours de politique générale fait légèrement retomber l’ambiance... Rocard monte à la tribune, vêtu de sombre, les yeux soulignés de cernes bruns, l’air d’un clergyman. Je ne sais pourquoi il s’est donné cette allure, aujourd’hui ! Fini, le côté toujours adolescent. On a dû lui dire de « faire sérieux ». On a dû lui dire aussi – mais peut-être se l’est-il dit tout seul ? – qu’il fallait être proche des Français, ne pas rester dans la stratosphère des grandes idées générales, mais parler de ce qui concerne les électeurs. Comme me l’a confié Martinet hier, on lui a tellement reproché de faire des phrases, de la philosophie, de l’idéologie, d’être souvent incompréhensible, que, cette fois, il a décidé de montrer, à ceux qui ne perdent pas une occasion de le critiquer 39 , qu’il sait aussi se montrer clair et concret. Il se propose – et il propose, ce faisant, à la majorité – d’agir « directement sur l’entretien des logements, sur les réparations des cages d’escalier... ».
    En l’écoutant, je me dis que je le préfère abstrait. Pour entrer dans le détail, il ne se prive pas de le faire avec application, en renonçant aux envolées lyriques et aux déclarations de principe.
    Je sors de là presque assommée par la longueur de son discours et ses propos controuvés. Mes confrères ironisent sur la découverte faite par Rocard des cages d’escalier et des transports anarchiques dans les grandes villes. Je me tais, gardant ma déception pour moi.
    Ces discours de politique générale sont impossibles. Ou bien ils évoluent dans les cintres, ou bien ils rampent à ras de terre. S’ils sont trop théoriques, la presse rouspète que les hommes politiques sont beaucoup trop loin des préoccupations des gens. S’ils sont trop pratiques, qu’ils manquent d’élévation.

    7 juillet
    Schwartzenberg a été « démissionné » par Rocard aujourd’hui.
    Je connais bien le cancérologue Léon Schwartzenberg. Je l’ai vu souvent avec Marina Vlady, merveilleuse actrice qui partage sa vie. Il est plus que dévoué à ses patients, même s’il passe pour leur dire un peu trop souvent la vérité, parce que, m’a-t-il dit un jour, la vérité aide les malades à se mobiliser pour leur guérison. En tout cas, il est devenu ministre du second gouvernement Rocard, celui qui a suiviles élections législatives. Ce qu’il pense de la drogue, nous sommes quelques-uns à le savoir depuis longtemps. Il n’en fait pas mystère : il est partisan de la distribution de méthadone aux consommateurs de drogue dure. Pour deux raisons : la première, c’est qu’une drogue de substitution va dans le sens d’une désintoxication progressive ; la seconde est qu’une telle politique, jointe sans doute, dans son esprit, à la libéralisation du cannabis, donne un coup d’arrêt au marché souterrain de la drogue, en limite le commerce et aboutit à la déroute des trafiquants.
    Voilà que, tout nouveau venu au sein du gouvernement comme ministre délégué à la Santé, Schwartzenberg a avancé avant-hier sa proposition dans une conférence de presse, devant son ministre de tutelle, mais sans lui en avoir parlé au préalable.
    L’affaire me fait penser à celle de Jean-Jacques Servan-Schreiber en d’autres temps, qui, à peine nommé par Giscard, en 1974, avait prôné la fin des essais nucléaires et s’était fait débarquer de même : il avait dû quitter le gouvernement dix jours après y être entré.
    Ah, ces représentants de la société civile ! S’ils se mettent à dire au gouvernement ce qu’ils disent depuis des lustres dans leurs discours publics ou privés, où va-t-on ? Le voici donc démissionné. Michel Rocard est en plus sincèrement choqué par la proposition de Léon Schwartzenberg. L’occasion lui est en outre offerte de faire montre d’autorité, ce qui ne lui déplaît pas, précisément au moment où certains lui reprochent d’en manquer.
    Pas Mitterrand, qui, pour la première fois, a l’air de prendre des vacances...

    13 juillet
    Je me trompais : en réalité – c’est Philippe Barret qui me l’assure et il n’a pas l’air de quelqu’un qui raconte des histoires –, Mitterrand rencontre au moins une fois par semaine Chevènement 40 pour parler Défense. C’est donc que, pour lui, cohabitation ou

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