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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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accusé de faire construire le futur siège de TF1 par le groupe de BTP Bouygues, sans appel d’offres.
    Un vrai film américain !
    Nous avons fait une pause, à un moment donné, Maxwell ayant exprimé le désir de faire pipi. Panique ! Personne autour de la table – moi compris – ne savait où étaient les toilettes de ce rez-de-chaussée où, pour ma part, je n’avais jamais mis les pieds. Nous avons été sauvés par le leader syndical Marcel Caron, meilleur connaisseur des lieux que nous, qui a accompagné le magnat anglais. Qui pourrait inventer une pareille scène ? La réalité, ce matin, a bel et bien dépassé la fiction.
    Puis la séance a repris. Je regardais les balles se croiser, hésitant entre le rire et la stupeur. À côté de moi, Étienne Mougeotte ne pipait mot, pas plus que Corinne Bouygues.
    Et voici qu’à un moment donné, Bouygues, qui écoutait Maxwell, a si violemment tapé sur la table que nous avons tous fait un bond. Il a simplement dit : « Bob, tu es un menteur ! »
    « Bob, tu mens » : je m’attendais à je ne sais quoi, à ce qu’ils se battent, qu’ils s’injurient davantage encore. Eh bien non, le « Bob, tu es un menteur » a été tout simplement génial : Maxwell en est resté sans voix, la petite phrase lui a coupé la chique. Francis Bouygues a gagné en trois mots.
    À partir de cet instant, Maxwell n’a plus bougé ni pieds ni pattes, il a voté contre les résolutions, ce qui a laissé tout le monde indifférent.
    Nous – le dénommé management – sommes sortis de la réunion soulagés et hilares. Je prends aujourd’hui cette résolution : lorsque quelqu’un essaiera de me nuire, je laisserai la tension monter, puis je lui dirai : « X, tu mens ! »
    Leçon gratuite signée Francis Bouygues.

    12 octobre
    Au Conseil des ministres qui traitait de la réforme de l’audiovisuel, François Mitterrand a parlé de la Haute Autorité, et de moi, en faisant de l’institution une sorte de modèle. C’est Jacqueline Chabridon, du cabinet de Rocard, qui me le dit avec gentillesse. Mitterrand a dit publiquement que c’était une bonne institution, que sa composition était bonne. Il a parlé de l’assurance que m’avait donnée Chirac et dont j’avais fait part à Mitterrand, sur le moment, en 1986, de garder la Haute Autorité. Le connaissant mieux que certains, je n’avais alors cru Chirac qu’à demi. Je continue d’ailleurs à penser que sans François Léotard et les giscardiens, il n’y aurait pas touché.
    Mais Mitterrand, ce matin, n’a pas voulu faire comme nombre de ses collaborateurs, Jacques Attali en tête, qui n’ont cessé de dire que j’avais « pactisé » avec Chirac en ajoutant foi à ses promesses !

    13 octobre
    Nous accueillons Michel Rocard à TF1 où il arrive vers 19 h 45. Il veut manifestement parler des conflits sociaux qui, depuis plusieurs semaines déjà, agitent le pays. Mais il entend aller plus loin sur le mouvement des infirmières. Car celui-ci ne cesse de gagner en puissance. Au début, je n’en ai même pas parlé ici, tant je trouvais le mouvement banal, sinon insignifiant. Et puis, au fur et à mesure, les syndicats, d’abord dépassés, ont « collé » à la Coordination. Les infirmières se relaient maintenant depuis plusieurs semaines. Pas un jour sans qu’elles réaffirment leurs droits et formulent leurs revendications. Le ministre – un rocardien, Claude Evin – n’arrive pas à rétablir le calme.
    Là encore, l’attitude de Mitterrand est ambiguë. Je me rappelle que le journaliste qui suivait son déplacement à l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif, en septembre dernier, m’a raconté qu’à un moment donné, interpellé par un groupe d’infirmières, le Président a écouté l’une d’elles parler de son statut. Il s’est tourné vers Evin et lui a dit, assez haut pour que tous ses accompagnateurs l’entendent : « Elles ont raison ! » Après cela, la position du Premier ministre se retrouve forcément affaiblie.
    Depuis ce jour, le mouvement s’est amplifié. En outre, il est soutenu par l’opinion : les infirmières ont un rôle ingrat, fatigant, elles sont essentielles à la vie de l’hôpital, et les malades jugent eux-mêmes qu’elles sont surmenées.
    Michel Rocard vient répondre sur le plateau du JT à toutes les questions. Il est assez calme malgré le tour que prennent les choses. À aucun moment – le fait est assez rare pour que

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