Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
Vom Netzwerk:
TRAIN HÔPITAL AUXILIAIRE 877 EST
     
    LE  gel tranchait, comme des lames rougies au feu, dans toute matière vivante ou morte. Au loin, dans la forêt, on entendait craquer les arbres. La locomotive, traînant le long train sanitaire, sifflait sa déchirante plainte, et sa vapeur blanche paraissait froide en ce jour d’hiver russe. Les chauffeurs portaient de lourds bonnets de fourrure et des vestes fourrées. Des centaines de blessés s’entassaient dans les wagons de marchandises marqués de grandes croix rouges, où la neige du ballast que soulevait la vitesse du train pénétrait en tourbillons, par les côtés couverts de givre.
    Je gisais dans la voiture 48 avec Petit-Frère et le légionnaire. Petit-Frère avait reçu un éclat dans le dos et une grenade lui avait arraché-la moitié de ses fesses. Il était couché dans la paille, sur le ventre.
    – Tu ne crois pas que je suis bon pour une bonne planque ? A cause de cette fesse restée chez Ivan ?
    Le légionnaire, qui regardait plusieurs fois par jour dans une glace ses multiples dégâts personnels, se mit à rire doucement.
    – Tu es aussi naïf que costaud. Les bataillons disciplinaires, ça ne trouve une planque que lorsque c’est la tête qui y est restée. Toi, tu vas refiler vers le front pour y laisser ton autre fesse.
    Petit-Frère retomba sur sa paille en jurant. Le légionnaire lui tapa sur l’épaule.
    – Du calme, gros porc, sinon tu risques d’être flanqué hors du wagon à la prochaine vidange des héros défunts !
    Huber, là-bas près de la paroi, avait cessé de crier.
    – Il a dû crever, murmura Petit-Frère.
    – Oui, et ce ne sera pas le seul, chuchota le légionnaire en essuyant son front en sueur.
    Il avait beaucoup de fièvre et le pus coulait du pansement vieux dé huit jours qui recouvrait mal son épaule. C’était sa seizième blessure. Les quatorze premières dataient de la Légion étrangère où il avait servi douze ans, de sorte qu’il se considérait comme plus Français qu’Allemand, avec sa mince silhouette, son visage tanné, sa petite taille et son éternel mégot.
    – De l’eau, bon Dieu, de l’eau ! supplia le sous-officier Huhn qui avait le ventre ouvert.
    Quelqu’un près de la porte jura : – La ferme ! On n’a que son urine à boire et si tu le fais, les salauds te colleront au mur pour maladie volontairement contractée.
    L’homme au ventre ouvert se mit à pleurer. Un autre, à l’autre bout du wagon, eut un rire mauvais :
    – Fais comme nous si tu veux boire. Lèche la glace du wagon.
    Le feldwebel, mon voisin, se redressa à demi malgré les douleurs de son bas-ventre troué d’une balle de mitrailleuse.
    – Camarades ! Le Führer prendra soin de nous.
    – Il leva le bras pour un raide salut et entonna le début d’une marche nazie, mais il retomba épuisé sur la paille. Les rires fusèrent vers le toit couvert de givre.
    – Le héros se fatigue, grogna une voix, pendant qu’Adolf, il doit s’en coller plein la lampe !
    – Je vous ferai passer en conseil de guerre, hurla le feldwebel.
    Petit-Frère jeta une marmite de choux puants à la tête de l’homme.
    – Ta gueule ! Si mon cul n’était pas dans un tel état, je te couperais ce qui te sert, de cervelle pour l’envoyer à ton Parti.
    Le train s’arrêta avec une violente secousse qui nous fit crier de douleur. Le froid s’infiltrait davantage, rendant doigts et orteils insensibles. Le givre grimaçait à nos visages, sans pitié. Il y en avait qui s’amusaient à graver les parois gelées avec une pointe de baïonnette : des animaux, de jolis petits animaux qui s’effaçaient peu à peu, mais l’un d’eux, un petit chien, aussitôt appelé Oscar, fut redessiné maintes et maintes fois parce que nous nous étions mis à l’aimer. Lorsque desséchés de soif, nous léchions la paroi glacée, nous faisions très attention de ne pas abîmer Oscar.
    – Où allons-nous ? demanda le petit fantassin de dix-sept ans qui avait les deux pieds écrasés.
    – A la maison, petit, lui chuchota un sous-officier blessé à la tête.
    – Tu entends ça ! rigola le marin de la mer Noire au fémur écrasé. C’est quoi, ta maison ? Le paradis à Hitler où les anges d’Adolf jouent « Horst Wessel » avec des croix gammées sur le crâne ? – Il grimaça vers les stalactites du toit qui scintillaient d’une lueur glacée.
    Le train repartit, cet étrange train sanitaire fait de quatre-vingt-six

Weitere Kostenlose Bücher