Camarades de front
voudrez.
Le Kalmouk se jeta sur elle et la viola, puis il dessina sur son front une croix gammée avec la pointe d’un clou rougi au feu. Ils lui rasèrent la tête et brûlèrent ses cheveux, crachèrent sur elle et la laissèrent enfin sans connaissance. A l’aube, ils l’abandonnèrent. Turjetza demanda à Igor si elle était morte.
– Oui, dit le Kalmouk en éclatant de rire. – Il espérait qu’elle mourrait lentement dans la forêt mais elle ne mourut pas. C’était une fille de la Volga et les gens de la Volga sont des durs.
Quand elle revint à elle, une seule pensée demeurait dans sa tête brûlante de douleur : tuer le Kalmouk avant de mourir. Chancelante et sanglotante elle se mit en route ; d’instinct elle se dirigea vers l’ouest.
Trois jours plus tard, elle s’assit sur un tronc d’arbre, espérant la mort. Les souffrances les plus lancinantes s’étaient atténuées, la brûlure du front ne la torturait plus, mais elle se sentait envahie d’une fatigue mortelle. Elle mâchonnait des branches juteuses pour apaiser sa fièvre, mais toutes ses dents étaient ébranlées et sa bouche en sang.
Tout à coup, une main serra son cou et la tira en arrière. Elle se sentit mourir en voyant la trogne de bandit de Petit-Frère sous le casque russe.
– Une fille ! criait-il. Une fille avec la marque sur le front !
– Idiot ! dit Alte, laisse cette malheureuse, tu l’étouffés.
Petit-Frère aida Maria â se remettre sur ses jambes, mais non sans laisser ses grosses mains glisser sur le corps bien fait, à peine voilé de haillons.
– Sainte Mère de Kazan ! quel morceau !
– Il faut l’amener au lieutenant, gronda Alte, et si tu y touches je tire. – Il montra son revolver.
Petit-Frère tâtait la fille comme on täte un poulet à point : – Seigneur ! Ça me chauffe sur tout le devant, gémissait-il.
– Ça suffit, en avant marche !
Ils firent quelques pas dans les sapins, lorsque tout à coup Petit-Frère s’exclama : – Job twojemadj !
Maria poussa un cri tandis que Alte se retournait avec terreur.
– La poule n’a pas de culotte, je viens de m’en rendre compte !
– Assez de ces cochonneries ! gronda Alte furieux – il donna un coup de crosse sur le bras du géant – les partisans sont peut-être tout près et tu ne penses qu’à tes ordures !
Mis en joue par Alte, Petit-Frère lâcha la jeune femme et tous trois arrivèrent vers nous. Porta siffla d’un air entendu en apercevant Maria, les vêtements en lambeaux, et le visage émoustillé de Petit-Frère qui trompetait : – C’est du nanan ! elle n’a même pas de culotte ! Un beau morceau les gars !
Le lieutenant bondit et se planta devant Alte : – Qu’est-ce que vous en avez fait ?
Alte le regarda de ses yeux calmes et resta silencieux. Ohlsen se troubla.
– Pardon, Beier. Rien n’a pu se passer, vous étant là.
Il tendit la main vers Alte qui la prit et la serra, puis il interrogea la fille. Avec méfiance d’abord, mais la croix sanglante de son front était trop explicite pour qu’on puisse douter de son histoire. Maria parla d’un ton saccadé pendant une heure et demie.
– Et maintenant, où sont les partisans ? demanda le lieutenant.
Maria montra l’est de la forêt : – Dans le bois.
– Il y en a beaucoup ? dit Alte.
– Da. Partez vite. Dawaï, dawaï. Nix nemma (Pas dormir).
– Oui, dit le lieutenant, filons.
La fille se plaça entre Porta et Petit-Frère sur le devant du blindé. Avec un calot de fantassin russe sur la tête et ses yeux bridés, elle ressemblait à un jeune soldat ennemi. Heide lui tendit une mitraillette et elle ricana en sentant le froid de l’acier.
– Moi me venger. Le Kalmouk Igor… tirer, mort. Puis-je faire ? dit-elle en petit nègre allemand.
Porta haussa les épaules : – Il vaut mieux que tu ne le rencontres pas, ma fille, et surtout pas maintenant où tu es avec nous. Il te faudrait au moins quinze jours pour crever.
Nous repartîmes le long de l’étroit chemin dans la forêt. A chaque halte Maria nous racontait ses aventures et nous apprîmes des choses qui nous faisaient voir rouge, mais il était rare que le lieutenant n’interrompît pas l’histoire pour repartir en hâte. Il était devenu tout autre depuis que nous étions derrière les lignes russes… nerveux, fébrile, n’ayant aucune envie d’être un héros.
– Sa hâte me rend fou, grondait Julius Heide.
– On dirait
Weitere Kostenlose Bücher