Cathares
héros, les guerriers sans peur et sans reproche.
Il pensa à Otto Rahn qui avait accompli cette visite pour la première fois, il y avait une vingtaine d’années de cela. Il se demanda dans quel état d’esprit il était. L’historien devina qu’il devait être excité, tout convaincu qu’il était de fouler de ses pieds le trésor qu’il cherchait. Mais savait-il au juste quel trésor il convoitait ? Le Bihan pénétra dans la cour intérieure de la forteresse. À défaut d’être beau, l’endroit impressionnait par sa forme étranglée et la sobriété de son architecture. Vu d’en bas, le château promettait d’être immense. Mais dans la cour, l’impression de gigantisme s’effaçait au profit d’un sentiment d’exiguïté. Les murailles étaient larges et le blocage de la maçonnerie prouvait l’importance stratégique que lui accordaient leurs bâtisseurs. Alors qu’il découvrait la cour, Le Bihan eut la surprise de voir s’en aller rapidement les nuages. En l’espace de quelques secondes, ce fut toute l’ambiance du lieu qui changea. La forteresse imaginaire nichée dans ses rêves redevenait un géant de pierre, ancré dans ses certitudes. S’il en jugeait par les traces de pas et deux vestiges de feu de bois au milieu de la cour, il se dit que quelques visiteurs devaient passer par ici.
Le Bihan avait beau savoir que cette forteresse n’était pas celle qui avait servi de décor à la tragédie cathare, il n’en pensa pas moins qu’elle devait renvoyer une image assez précise de ce qui s’y était passé. L’historien promena son regard sur les murailles qui l’entouraient. Il sentait une présence ou, plus précisément, il entendait de lointains échos venus du fond des siècles. Ici, les murs avaient la mémoire tenace. Passant outre cette présence aussi confuse que troublante, il entreprit d’inspecter les lieux comme devait le faire le bon archéologue qu’il était. Il nota les trous barriers où venaient coulisser les poutres pour bien fermer la porte d’accès principale. Dans la cour, trois escaliers permettaient d’accéder au chemin de ronde étroit qui courait tout autour des remparts. Même s’ils avaient disparu depuis longtemps, l’endroit devait être équipé de bâtiments tels des abris pour la garnison ou encore une écurie. Il examina ensuite l’extrémité est de la cour et son étrange ouvrage en U qu’il ne réussit pas à expliquer. Plus évidente lui semblait la destination de la salle basse du donjon à laquelle il accéda par l’extérieur des remparts, en contournant le corps de logis vers la face nord-ouest. À en juger par les traces d’enduit d’étanchéité, le rez-de-chaussée avait dû être une citerne d’eau. Le premier étage, quant à lui, faisait assurément office de pièce de repli lorsque la forteresse était attaquée par des ennemis. Montségur était aussi dotée d’un mur bouclier aux dimensions impressionnantes. Le Bihan en déduisit que les attaques devaient venir de l’est et que l’ouvrage devait jadis être doté d’un redoutable hourd, une de ces bâtisses en bois qui permettaient de surplomber le fossé et de riposter aux attaques des assaillants.
Les nuages avaient à présent totalement disparu. Rien ne venait troubler la limpidité du ciel. Il n’y avait toujours pas l’ombre d’un visiteur et encore moins le murmure de la voix de Philippa. Le Bihan s’était rendu, comme convenu, à midi dans la citerne située dans la partie basse du donjon. Il s’était posté à la fenêtre nord-ouest, mais rien ne s’était passé. Déçu, il était alors retourné dans la cour intérieure et avait pris le temps de choisir un endroit au soleil. Il s’y assit confortablement en utilisant le mur de pierres comme dossier. Il sortit le volume consacré à la Tragédie de Montségur pour approfondir ses connaissances et s’imprégner du lieu. Mais jusqu’à présent, il devait bien avouer que sa visite l’avait un peu frustré. Il était satisfait de réussir à décoder aussi facilement cette forteresse qui ressemblait beaucoup à d’autres ouvrages du même type qu’il avait pu étudier, mais il éprouvait le sentiment désagréable que celle-ci lui cachait son véritable visage. Pourquoi son envie de découverte s’était-elle peu à peu muée en malaise ? Alors qu’il se plongeait dans la lecture de son livre, un visage recouvert d’une capuche de drap clair apparut furtivement derrière une
Weitere Kostenlose Bücher