Cathares
fenêtre du donjon.
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Combien d’heures avait-il lu ? Seul, juché au sommet du pog, Le Bihan avait perdu tout contact avec la réalité des hommes et oublié leurs problèmes quotidiens. Par un étrange phénomène, son esprit s’était faufilé à travers les siècles pour remonter aux racines de la geste cathare. La seule magie des pages qu’il tournait suffisait à l’entraîner dans un extraordinaire voyage dans le temps.
Il avait croisé le seigneur Raymond de Péreille, un noble complètement acquis à la cause cathare. Au début du treizième siècle, deux Parfaits nommés Raymond Blascou et Raymond Mercier lui avaient demandé de reconstruire un village afin d’y accueillir la population cathare. Dès lors, Montségur – le Mont Sûr en occitan – était devenu un centre important de la vie cathare jusqu’au siège de 1243. Le site connut deux périodes bien distinctes au cours de son ère cathare. Dans un premier temps, un relatif apaisement permit aux fidèles de quitter ce lieu de défense pour aller habiter dans le fond de la vallée. Mais lorsque la chasse aux hérétiques reprit de plus belle en 1229, Montségur redevint un refuge de choix pour les hommes et les femmes traqués par les inquisiteurs.
C’est à ce moment-là que Le Bihan fit la connaissance du fier seigneur Pierre-Roger de Mirepoix, le gendre de Raymond de Péreille, qui était devenu le chef héroïque de la résistance. Face à la puissance de leurs ennemis, les Cathares n’avaient d’autre issue que de s’unir pour organiser leur défense. Montségur accéda alors au rang de « capitale » officieuse de l’hérésie. Ce fut une période à la fois faste et terrible pour le castrum qui vit affluer nombre de nouveaux habitants.
Le Bihan tenta d’imaginer à quoi pouvait bien ressembler la vie dans un pareil lieu. Il se dit qu’on devait y croiser des forgerons, des boulangers ou des tailleurs de pierre. S’il était devenu difficile de s’en faire une idée précise après des siècles d’abandon, le pog devait être parcouru de ruelles étroites où une population dense et affairée se croisait du matin au soir. En fermant les yeux, Le Bihan entendit les cris des enfants et les harangues des marchands de légumes. C’était tout un monde qui reprenait vie. Mais par-dessus tout, le pog était un lieu d’intense spiritualité. Les Parfaits prêchaient dans la région et s’en allaient donner aux fidèles le consolament, le seul sacrement qui avait vraiment de l’importance aux yeux des Cathares. Unis dans l’idéal de la pureté de leur Église, tous ces hommes et toutes ces femmes ne connaissaient ni violence, ni envie, ni trahison. Et pourtant, ils commençaient à comprendre qu’ils s’étaient réfugiés dans une forteresse qui ressemblait à un piège. Un piège terrible qui pourrait un jour se refermer sur eux.
L’historien se replongea alors dans la ténébreuse affaire d’Avignonet. Raymond VII, le comte de Toulouse, avait été sommé par le roi de France Louis IX de débarrasser la région de ce nid d’hérétiques qu’était devenu Montségur. Or, le seigneur n’en fit rien et prouva aux yeux de tous, son engagement auprès des Cathares. Dans la nuit profonde du 27 au 28 mai 1242, des hommes en armes qui avaient quitté Montségur s’étaient dirigés vers Avignonet. Là, ils assassinèrent les redoutables inquisiteurs Guillaume-Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry. Les Cathares imaginèrent naïvement que cette action d’éclat marquerait le début de leur marche victorieuse. Mais ce fut tout le contraire qui arriva. Le comte de Toulouse déchanta rapidement. Quelques mois plus tard, il se retrouvait seul face au puissant roi de France et fut contraint de rendre les armes pour se défendre. Montségur apparaissait plus que jamais comme une proie toute désignée pour les chasseurs d’hérétiques. Dès le printemps 1243 commença la terrible période du siège.
Le Bihan commençait à se sentir bien dans cette forteresse qui lui racontait son histoire quand un frisson le parcourut. Un long nuage masquant quelques minutes le soleil ajouta encore à son trouble. Le sénéchal du roi Hugues des Arcis avait pris la tête d’une armée catholique qui était venue prendre position au pied du pog. Cette fois, le pouvoir était bien décidé à en découdre avec les hérétiques qui défiaient depuis trop longtemps l’autorité royale. La guerre qui s’annonçait n’était pas
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