Ce jour-là
barricadée et parée à l’attaque. On aurait peut-être eu la surprise de notre côté, mais nos chances n’auraient pas été aussi bonnes avec un tel comité d’accueil. On aurait essuyé des pertes à coup sûr. »
Je suis resté silencieux. Jon me disait que nous avions eu de la chance. Une erreur nous avait probablement sauvé la vie. Notre vie tenait à un pur hasard, rien de plus.
Après la fouille des gravats, le retour à la base, dans les Pandur, était resté très silencieux. Nous avions faim, nous étions fatigués. Nous avions le visage couvert de suie. D’habitude, quand on réussissait l’assaut d’une cible difficile à prendre, on était excités, on faisait les fanfarons. Les paroles de Jon me revenaient, je prenais lentement conscience de ce qui venait de se passer.
Si la mission s’était déroulée comme prévu, le Little Bird nous aurait déposés sur le toit de l’autre maison et nous serions tombés, dès le premier étage, sur au moins quatre hommes armés jusqu’aux dents. Un échange de tirs à quatre contre quatre dans une petite pièce ne se termine jamais bien.
Le temps de nous garer à la base, j’avais fini de ressasser ces sombres pensées. Je chassais ces idées pour ne retenir que ce que j’avais appris : parfois, le hasard peut vous sauver la vie. Et il faut toujours doubler les détonateurs.
À la fin du déploiement, j’ai rejoint la Pope Air Force Base, en Caroline du Nord, où est basée la Delta Force. À notre descente de l’avion, les hommes de l’unité m’ont accueilli exactement comme si j’étais l’un des leurs.
Avant de reprendre l’avion pour Virginia Beach, Jon me tendit une plaque. C’était la reproduction d’un dessin qui représentait un homme de la Delta Force et un Little Bird. Le dessin était encadré de vert et comportait le sceau de l’unité.
« Je tiens à t’offrir ceci, me dit Jon. Tous ceux qui ont travaillé avec nous en ont un. »
L’auteur du dessin était le sergent maître Randy Shughart, un sniper de la Delta Force. On avait retrouvé l’original du dessin après qu’il avait été tué en Somalie.
Il s’était porté volontaire, en attendant les renforts, pour défendre le site où un Black Hawk s’était écrasé. La population de Mogadiscio l’avait lynché. Shughart a reçu la médaille d’Honneur à titre posthume.
Avant le 11 Septembre, la Delta Force et le DEVGRU étaient en rivalité. Nous étions l’un et l’autre dans le dessus du panier, et le débat faisait rage pour savoir quelle unité était la meilleure. Mais, avec la guerre, le temps de ces gamineries et de ces conneries était terminé. J’avais été traité en frère d’armes pendant toute la mission.
J’avais serré la main de Jon et embarqué pour Virginia Beach.
De retour au DEVGRU le lendemain, j’ai retrouvé Charlie et Steve. Ils sont venus dans ma cage pendant que je rangeais mon matériel, et remettais tout en place. L’escadron rentrait de mission en Afghanistan ; comparé avec ce que j’avais vécu à Bagdad, ils avaient été assez tranquilles.
L’Irak avait été très excitant mais j’étais content de retrouver mes camarades.
« On dirait que tu as été pas mal occupé là-bas, me dit Charlie.
— Quand c’est que tu pars pour Fort Bragg (4) retrouver tes frères ? » demanda Steve.
Ils se payaient ma tête, mais sachant ce que valaient mes plaisanteries, je me contentai de répondre : « Ha-ha, moi aussi ça me fait plaisir de vous revoir. »
Oui, c’était bon d’être de retour à la maison.
J’attendais ma permission avec impatience. Après, ce serait de nouveau le Mississippi pour l’entraînement au tir. Je savais que ma seule chance de leur clouer le bec était le champ de tir. On venait de rentrer, mais ça n’allait pas durer bien longtemps. Deux semaines de permission, pas plus, et retour à l’entraînement. Un cycle qui allait se reproduire pendant presque dix ans.
5
L’ HOMME DE TÊTE
En décembre 2006, nous avons été déployés en Irak de l’ouest. C’était ma troisième rotation depuis que j’avais intégré le DEVGRU. J’avais passé la dernière à collaborer étroitement avec la CIA. Cela me faisait du bien de me retrouver avec mes camarades au lieu d’aider la CIA à former des soldats afghans. On travaille souvent avec les autres unités, mais c’est toujours mieux d’être avec les siens ; nous sommes taillés dans le même bois.
Mon escadron
Weitere Kostenlose Bücher