Ce jour-là
Linkin Park. Je flottais, je profitais du soleil et je me relaxais. Un de mes camarades prenait soin du gazon autour de la piscine. C’était son passe-temps. Dans un pays aussi aride et sablonneux, un bout de pelouse est un vrai luxe. Je sentais l’odeur de l’herbe coupée depuis mon matelas.
Ensuite, j’allais prendre mon petit déjeuner et m’entraîner dans la salle de gym, ou bien j’allais courir. Je me rendais au champ de tir aussi souvent que possible. Les ordres de mission commençaient à arriver quand la nuit tombait ; un ou deux avec de la chance.
Je faisais partie de la roof team [équipe des toits], nous volions sur les nacelles extérieures de l’hélicoptère, un MH-6 Little Bird. Nous atterrissions sur le toit des cibles et attaquions les sites par le haut. Puis, le reste des forces d’assaut arrivait en blindés et s’occupait du rez-de-chaussée.
Le Little Bird est un hélicoptère léger utilisé dans les opérations spéciales de l’armée américaine. Il a une carlingue caractéristique en forme d’œuf et deux nacelles qui servent de bancs à l’extérieur. Dans la variante d’attaque, les nacelles sont remplacées par des roquettes ou des mitrailleuses.
Les pilotes venaient du 160 e régiment aérien des opérations spéciales. Le 160 e assurait la plupart des missions du JSOC. Nous avons travaillé ensemble pendant des années et ces pilotes sont certainement les meilleurs du monde. Basés à Fort Campbell, dans le Kentucky, on les a surnommés les Patrouilleurs de nuit, car presque toutes leurs missions ont lieu la nuit.
J’avais eu l’occasion de voler à bord des Little Bird dans la Green Team, mais, à Bagdad, je me retrouvais sur la nacelle presque tous les soirs. La ville défilait sous moi, brouillée par la vitesse.
Il était un peu plus de minuit, je venais d’arriver, et je n’entendais que le grondement des moteurs et le rugissement du vent. À cent vingt kilomètres à l’heure, le souffle de l’air secouait mes jambes suspendues dans le vide. Je savais que la clef de la réussite tenait à la capacité de prendre calmement des décisions claires. Pas évident quand on chevauche des montagnes russes.
J’ai resserré la bandoulière de mon fusil pour le garder collé à ma poitrine, et vérifié une dernière fois le lien de sécurité qui m’attachait à l’hélicoptère, au cas où je glisserais de mon banc. D’où j’étais, je voyais le Little Bird qui nous escortait à droite, rendu vert par mes lunettes de vision nocturne. De l’autre appareil, un des types de la Delta Force m’a fait un doigt. Je lui ai rendu son salut.
Cette fois, nous étions aux trousses d’un gros intermédiaire en armement, un maillon de plus dans la chaîne qui alimentait les terroristes. Il était retranché dans un groupe de maisons basses près du centre-ville ; protégé par plusieurs hommes armés, il disposait d’une importante cache d’armes. Nous avions pour mission d’arriver en hélicoptère par le toit et de donner l’assaut de là. Une autre équipe devait converger vers la maison en véhicule blindé, un Pandur équipé de mitrailleuses lourdes de 50 mm et de lance-grenades Mark-19. Ils attendraient une minute, le temps pour nous de créer une brèche dans la porte située sur le toit et de faire diversion. Alors ils forceraient le rez-de-chaussée tandis que nous progresserions vers le centre de la maison.
Sous l’hélicoptère, la ville était un fouillis de rues et de ruelles, un maillage serré autour de pâtés de maisons trapus. De temps en temps, on débouchait sur un espace abandonné, une décharge. J’étais posté à l’avant de la nacelle, près du cockpit. Jon était de l’autre côté.
« Une minute », dit le pilote par radio. Il doubla le message par le geste, devant mes yeux, pour être sûr que j’avais compris le signal.
Le laser du copilote pointait le toit de la cible. Nuit après nuit, ces hommes parvenaient à diriger l’hélico à des endroits très précis : un toit-terrasse perdu au milieu de milliers d’autres toits-terrasses qui se ressemblaient. Je ne sais pas comment ils faisaient.
L’hélicoptère a entamé sa descente vers le toit désert. Il s’est mis en vol stationnaire. Le pilote était capable de poser les patins de l’appareil au ras du toit. Au lieu de descendre à la corde lisse, le patin nous servait de marchepied pour sauter sur le toit. En moins de dix secondes, notre équipe de quatre
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