Ce jour-là
était posté le long de la frontière avec la Syrie, et travaillait dans certaines des pires agglomérations d’Irak, comme Ramadi, la base d’Al-Qaïda en Irak. Notre mission était de repérer les têtes pensantes des réseaux, qui introduisaient des combattants étrangers et des armes iraniennes en Irak.
Les marines en poste à Al-Anbar nous demandèrent de les aider à nettoyer et sécuriser plusieurs maisons d’un village près de la frontière syrienne. Le village était un vrai paradis pour les insurgés et plusieurs de leurs chefs vivaient près du centre. Le plan prévoyait d’investir les maisons de nuit. Les marines prendraient le relais dans la matinée et encercleraient le village.
Alors même que nous étions entassés dans le Black Hawk , j’avais du mal à me réchauffer.
Nous avions emmené un chien de combat qui détectait les explosifs et nous aidait à pister les combattants ennemis. J’aurais bien voulu prendre l’animal sur mes genoux pour me réchauffer, mais son maître tirait sur sa laisse chaque fois.
Il faisait un froid glacial lorsque nous avons atterri à six kilomètres du village. Je me protégeais les yeux de la poussière en attendant que l’hélicoptère soit reparti. Le bruit des moteurs s’estompa, tandis qu’il retournait vers la base aérienne Al-Asad, à l’est.
Je tapai des pieds et me frottai les mains pour leur redonner un peu de chaleur pendant que nous nous organisions avant de bouger.
Je m’étais déjà rendu deux fois en Irak, mais ce déploiement était différent. L’ennemi avait évolué. Comme ils savent si bien le faire, les SEAL se sont adaptés. Au lieu de survoler la cible en direct, comme avant, nous nous faisions déposer à des kilomètres pour continuer à pied, discrètement. Du coup, l’ennemi n’entendait pas les hélicos. Nous étions passés de la technique bruyante et rapide dont le but était de prendre l’ennemi par surprise, à une technique silencieuse et lente, qui nous permettait de préserver l’effet de surprise encore plus longtemps : nous étions capables de nous glisser chez eux, jusque dans leur chambre, et de les réveiller sans qu’ils aient le temps de se défendre.
Mais le trajet jusqu’à la cible n’était pas évident, surtout par une nuit d’hiver glaciale. Le vent transperçait nos uniformes. J’étais placé à la tête de la troupe. J’étais l’homme de tête.
Une leçon que nous apprenons vite, aux SEAL, est de nous sentir à l’aise dans les situations inconfortables. Et dès mon enfance j’avais été confronté au froid en Alaska lorsque j’accompagnais mon père quand il allait relever ses pièges.
Lorsqu’il faisait froid en Irak, ou durant la semaine d’enfer au BUD/S, je repensais à mon enfance en Alaska. J’entendais encore le ronronnement de la motoneige quand nous allions relever les pièges, loin du village, au milieu du désert glacé.
Je retrouvais les sensations de la motoneige qui flottait dans la poudreuse fraîche, comme une planche de surf traversant une vague. La température oscillait autour de moins vingt degrés, et notre haleine se cristallisait dans l’air.
Lors de l’un de ces jours d’hiver, j’étais enveloppé dans une combinaison de ski Carhartt que j’avais remontée jusqu’au menton, je portais des bottes épaisses et des gants. Une chapka en castor fabriquée par ma mère me couvrait les oreilles et un foulard me protégeait le visage, où l’on ne voyait plus que mes yeux. J’avais chaud partout sauf aux mains et aux pieds. Cela faisait des heures que nous étions dehors et je ne sentais presque plus mes orteils.
J’essayais en vain de les bouger dans mes épaisses chaussettes de laine. Recroquevillé dans le dos de mon père pour ne pas sentir le vent, je ne pouvais penser à rien d’autre qu’à mes mains et mes pieds glacés. Nous avions déjà relevé deux martres et une fouine de la taille d’un chat, avec une queue buissonnante comme celle d’un écureuil et une soyeuse fourrure brune. Mon père vendait les fourrures au village pour compléter ses revenus, ou bien ma mère en faisait des bonnets pour mes sœurs et moi.
Mais le froid mordant m’enlevait tout le plaisir d’être avec mon père. Pourtant, je l’avais supplié de m’emmener avec lui pour cette expédition.
« Tu es bien sûr ? m’avait-il demandé. Tu sais qu’il fait très froid, aujourd’hui.
— Je veux venir. »
Je n’avais qu’une envie, c’était
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