Ce jour-là

Ahmed al-Kuwaiti et un membre de sa famille. Jusque-là, l’homme s’était montré discret et n’avait jamais dévoilé le nom de son employeur. Si bien que lorsque son parent lui demanda quel travail il faisait, Ahmed al-Kuwaiti se contenta de répondre, « celui que j’ai toujours fait ».
    Réponse subtile qui permettait cependant de relier certains éléments et donnait un bon point de départ pour l’opération. Éléments purement circonstanciels, mais c’était tout ce que nous avions pour démarrer.
    La CIA fila Ahmed al-Kuwaiti et nota ses habitudes. Il roulait dans un quatre-quatre blanc avec un logo représentant un rhinocéros sur la protection de la roue de secours. Finalement, le véhicule les avait conduits jusqu’à la résidence d’Abbottabad, dont j’avais à présent la maquette sous les yeux.
    D’après les évaluations de la CIA, Ben Laden logeait au deuxième étage d’A1, le bâtiment principal. Son fils, Khalid, occupait le premier étage. La CIA s’attendait à trouver au moins une ou deux épouses et une douzaine d’enfants. Il y avait des enfants dans la plupart des lieux auxquels nous donnions l’assaut. Nous savions les gérer.
    Quelques semaines auparavant, à Washington, Jay et Mike avaient contribué à la mise sur pied de la mission dans les grandes lignes, mais il nous revenait d’aller sur le terrain et de mettre ce plan à l’épreuve des faits. Nous savions mieux que quiconque de quoi nous étions capables et, étant donné qu’on nous avait confié l’exécution de l’opération, nous devions aussi jouer un rôle critique dans sa préparation.
    Alors que nous étions tous rassemblés autour de la maquette, Jay et Mike nous expliquèrent où en était l’élaboration du projet. Cela faisait vingt-quatre heures qu’ils travaillaient sur la question, et le tableau prenait forme.
    « Nous sommes obligés de nous rendre directement sur la cible par hélico, dit Jay. Chalk One descendra en corde lisse dans la cour. »
    Jay montra l’annexe, C1, sur le côté sud de la maquette.
    « Mark, toi et ton équipe couvrez C1. Vous y allez directement. Le sniper se positionnera sur le toit du garage. Faites le ménage dans C1 et sécurisez le bâtiment. C’est dans cette maison que logent Ahmed al-Kuwaiti, sa femme et ses enfants. Quand vous avez terminé, vous rejoignez A1 en renfort de l’équipe de Tom. »
    L’autre équipe de Chalk One, conduite par Tom, se séparerait de nous pour investir A1.
    « Charlie et Walt vont se placer en stand by à côté de la porte nord de A1, reprit Jay. On pense que c’est la sortie qu’utilise le Promeneur. D’après les évaluations de la CIA, c’est un escalier en colimaçon qui permet d’accéder aux quartiers d’habitation du deuxième étage. »
    Tom et son équipe devaient attaquer par la porte sud et nettoyer le rez-de-chaussée. On pensait que le frère du bras droit d’OBL, Abrar Ahmed al-Kuwaiti, occupait le premier étage avec sa famille. Selon ce que Tom verrait à l’intérieur, lui et ses hommes dégageraient les lieux jusqu’à la porte nord ou laisseraient Walt et Charlie entrer par là. En cas de blocage, ils ressortiraient et contourneraient le bâtiment jusqu’à la porte nord.
    « Nous n’avons aucune idée de la disposition des lieux, à l’intérieur ; nous pensons simplement qu’il existe deux appartements séparés, dit Jay. Charlie et Walt resteront en position jusqu’à ce que Tom leur dise que tout est OK pour entrer. »
    Pendant ce temps, le second hélicoptère – celui qui transportait Chalk Two – devait débarquer une équipe de cinq hommes au nord de la résidence pour assurer la sécurité à l’extérieur. Deux hommes et le chien de combat patrouilleraient le périmètre. Le chien était là pour pister les éventuels fuyards. Les deux autres hommes et l’interprète se mettraient en position à l’angle nord-est de la résidence pour traiter les problèmes venant de l’extérieur : la police pakistanaise et les badauds.
    C’était sûrement la position la plus dangereuse du raid. Ils seraient au premier plan pour riposter si nous restions trop longtemps sur la cible : probablement à la police ou aux forces militaires pakistanaises.
    « Une fois la sécurité extérieure larguée, l’hélico reprendra un peu d’altitude et les hommes restants descendront à la corde sur le toit, passeront par le balcon du deuxième et feront le ménage de tout