Ce jour-là
énorme quantité de photos prises par des drones et des satellites et il n’y avait pas grand-chose, dans l’environnement extérieur, qui leur avait échappé.
À Washington, le président Obama et ses conseillers discutaient encore des différentes options possibles. Le président n’avait toujours pas donné son feu vert pour l’option « assaut terrestre ». Pour l’instant, nous n’étions autorisés qu’à peaufiner le plan et à procéder à des répétitions. La Maison-Blanche envisageait encore une frappe aérienne massive par des bombardiers B-2 Spirit.
Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, était partisan de la frappe aérienne car elle avait l’avantage de ne pas violer aussi ouvertement le territoire pakistanais.
Les États-Unis n’avaient pas un passé très glorieux avec les opérations commando. Depuis Eagle Claw, la mission décidée par Jimmy Carter en 1979 pour aller récupérer les cinquante-trois Américains retenus prisonniers dans notre ambassade à Téhéran, on savait qu’envoyer des troupes sur le sol d’un pays souverain était très risqué.
Pendant Eagle Claw, l’un des hélicoptères devant rallier une base du désert en Iran avant le raid eut à subir à son arrivée une violente tempête de sable et il s’écrasa sur un avion-ravitailleur MC-130E. Les deux appareils furent détruits pendant l’incendie qui fit huit victimes parmi les militaires. La mission, l’une des premières conduites par la Delta Force, fut abandonnée. Eagle Claw a été un désastre et a contribué à faire perdre sa réélection à Carter.
L’option « frappe aérienne » exigeait d’utiliser trente-deux bombes « intelligentes » de neuf cents kilos. Le bombardement durerait une minute et demie et le cratère creusé aurait au moins dix mètres de profondeur au cas où il existerait un abri sous-terrain dans la résidence. Les risques de dommages collatéraux étaient élevés, et les chances de retrouver des restes identifiables après une telle destruction étaient faibles.
Que l’opération se fasse d’une manière ou d’une autre, on voulait avoir la preuve que Ben Laden était bien mort. Si l’assaut par voie terrestre était risqué, une frappe aérienne entraînait des complications supplémentaires.
Quelques jours après notre arrivée en Caroline du Nord, nous avons vu le Promeneur pour la première fois.
Rassemblés autour d’un écran d’ordinateur, nous regardions les prises de vue du périmètre réalisées par un drone. L’image était en noir et blanc et manquait de détails. On distinguait le bâtiment principal et la cour à l’angle nord-ouest de la résidence.
Au bout de quelques secondes, le Promeneur est entré dans le cadre. Sur l’écran, il n’était pas plus gros qu’une fourmi. Impossible de distinguer ses traits ou d’estimer sa taille. Mais nous l’avons vu sortir par la porte nord et commencer à marcher autour de la cour selon un circuit ovale, dans le sens des aiguilles d’une montre. Il y avait bien une sorte de vélum bricolé pour l’abriter, mais il ne recouvrait qu’une partie du jardin.
« Il est capable de faire ça pendant des heures, nous dit l’un des analystes de l’agence. Il passe à côté de types qui travaillent mais jamais il ne leur donne un coup de main. Il se contente de marcher. »
Parfois, une femme ou un enfant l’accompagnait. Eux non plus ne s’arrêtaient pas. Lorsqu’un vétérinaire était venu s’occuper d’une vache malade, ils l’avaient déplacée dans une autre cour pour la soigner.
« Nous pensons qu’ils ont déplacé la vache parce qu’ils ne veulent pas qu’on remarque quoi que ce soit d’insolite de ce côté-ci du complexe, dit l’analyste. Ce n’est pas une preuve formelle, mais on dirait qu’ils cachent quelqu’un. Tenez, regardez donc ça. »
Il cliqua sur une autre prise de vue : un hélicoptère pakistanais survolait le périmètre.
« D’où sort-il ? j’ai demandé.
— C’est un Huey des forces du Pakistan. On ne sait pas d’où il arrive, mais il quitte l’Académie militaire. » Nous scrutions l’écran, pour voir si ce survol entraînait des réactions dans le périmètre. Le Promeneur ne se mit pas à courir jusqu’à une voiture pour s’enfuir. La même idée nous vint à tous en même temps. OBL avait l’habitude d’entendre passer des hélicoptères.
« Il n’est pas impossible qu’on puisse arriver sur le toit avant
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