Ce jour-là

plan de la ville d’Abbottabad. Les sièges étaient en faux cuir, peu rembourrés, avec des repose-bras métalliques. On avait repoussé le gros du mobilier contre un mur, à côté de plantes en plastique, afin de libérer la place pour le matériel.
    La salle était presque vide ; seuls quelques civils de la CIA travaillaient en silence. J’essayai d’étudier les cartes et les photos, mais je me sentais dépassé. Je n’arrivais toujours pas à croire que, finalement, ils avaient trouvé Oussama Ben Laden.
    Jusqu’ici, nous n’avions jamais eu de piste fiable. L’homme était comme un spectre qui hantait toute la guerre. Nous avions tous rêvé de la mission chargée de le capturer ou de l’abattre, mais personne n’avait pensé sérieusement être sur le coup. Le facteur chance était trop important. Nous savions que cela se résumait à être au bon endroit au bon moment, et, lorsque je pénétrai dans le centre d’opération, ce mardi-là, tout laissait à penser que nous étions au bon endroit. Au lieu de faire appel à une unité déjà formée, on avait sélectionné les plus anciens de tout l’escadron.
    Mike entra et nous vit rassemblés devant les tableaux. Nous étions vingt-huit sur la liste, qui comprenait un spécialiste en explosifs. À quoi s’ajoutaient un interprète et un chien de combat du nom de Cairo.
    « Ali est un des interprètes de l’agence », nous dit Mike. Il y avait aussi quatre remplaçants, au cas où quelqu’un se blesserait pendant l’entraînement. « Nous avons formé quatre équipes, et tu dirigeras l’une d’elles », me dit Mike.
    Tom était le responsable d’une autre équipe.
    « Tu seras dans Chalk One pour l’infiltration. Ton équipe couvre l’annexe, C1, au sud du périmètre. »
    C1 désignait l’annexe, bâtiment en retrait de la maison principale de la résidence – celle qu’occupait vraisemblablement Ben Laden. Chalk One et Chalk Two étaient les deux hélicoptères chargés de nous conduire sur le site.
    Charlie et Walt seraient aussi dans Chalk One, mais dans des équipes différentes. La mission était conçue de façon que les deux hélicoptères soient interchangeables. Un officier de mon équipe prendrait la place de Jay si son hélico se faisait descendre. Mike, notre supérieur dans le groupe, avait intégré mon équipe ; une fois au sol, il dirigerait nos déplacements et nous garderait dans le timing.
    La disposition de la cible ne nous était pas encore familière. Un plan de la résidence, sur le mur, montrait un mur d’enceinte en pointe. Je savais que l’annexe était un objectif secondaire dans la mission ; je mentirais si je disais que, pendant une fraction de seconde, je n’avais pas regretté de ne pas faire partie de l’équipe qui serait débarquée sur le toit du bâtiment principal, A1. Si tout se passait comme prévu, ils seraient les premiers à pénétrer au deuxième étage, là où vivait Ben Laden, pensait-on. Mais j’oubliai rapidement cela pour me concentrer sur la tâche qu’on m’avait assignée. Ce n’était pas l’action qui manquerait et j’étais heureux de faire partie de la mission.
    « Entendu, dis-je, étudiant déjà le plan. Will nous rejoint ? »
    Will m’aurait été bien utile. Il était affecté à notre escadron jumeau, basé à Jalalabad en Afghanistan. Ayant appris l’arabe, il serait à même de communiquer avec la famille de Ben Laden.
    « Tu retrouveras Will à J-bad, me répondit Mike. J’ai une réunion, maintenant, tu n’as qu’à étudier la maquette. On a dépensé pas mal d’argent pour la faire faire. Les autres devraient être de retour du petit déj’ dans quelques minutes. »
    Je sortis du centre d’opération et parcourus le bâtiment en buvant mon café. Notre matériel était éparpillé sur le sol, dans une salle qui donnait sur l’entrée. Des casiers à armes Pélican étaient ouverts dans un coin. Des radios rechargeaient leurs batteries, alignées le long du mur opposé, à côté de sacs d’outils. Une imprimante de cartes était remisée dans un angle. Dans un autre, s’entassaient des chevalets portant de grandes feuilles blanches.
    Je découvris la maquette de l’antre de Ben Laden juste à côté des portes de la principale salle de conférence. Faite en polystyrène, elle était installée sur un socle en contreplaqué d’un mètre cinquante sur un mètre cinquante. Dans un coin, se trouvait un couvercle en bois massif, équipé