Ce jour-là
pas être à même le plancher froid.
Après un vol de neuf heures jusqu’en Allemagne où nous ferions une courte escale, il nous resterait encore huit heures pour rallier Bagram. Il était essentiel de dormir un maximum pendant ce long vol.
Les types de l’Air Force nous ont obligés à nous attacher sur nos sièges pour le décollage. Le seul siège libre se trouvait à côté de Jen, une analyste de la CIA. J’ai bouclé ma ceinture et l’avion a roulé jusqu’au bout de la piste. Quelques minutes plus tard, nous décollions. Une fois le vol stabilisé, les types prenaient des sédatifs ou s’installaient.
Je n’étais pas fatigué et je me suis mis à bavarder avec Jen. Je l’avais déjà rencontrée en Caroline du Nord, mais nous n’avions pas pu parler longtemps depuis que nous avions commencé à planifier l’opération. J’étais curieux d’avoir son point de vue car elle était l’une des principales analystes de la traque de Ben Laden.
« Honnêtement, lui demandai-je, quel est le pourcentage de chance que ce soit lui ?
— Cent pour cent », me répondit-elle sans hésiter, me défiant du regard.
Recrutée par l’Agence dès sa sortie de l’université, elle travaillait depuis cinq ans dans une unité spéciale qui s’occupait de Ben Laden. Les analystes intégraient et quittaient cette unité, mais elle, était restée. Après le coup de téléphone d’Al-Kuwaiti, elle avait travaillé dur pour assembler les pièces du puzzle. J’avais manqué le premier jour du briefing, quand Jen avait raconté comment ils avaient remonté la piste de Ben Laden jusqu’à Abbottabad. Ces dernières semaines, elle avait été notre analyste conseil pour toutes les questions concernant la cible.
Nous avions déjà eu droit à ce « cent pour cent » par le passé et, chaque fois, j’en avais eu l’estomac noué.
« Faites attention avec cette connerie, lui dis-je. Quand les types des renseignements nous disent cent pour cent, c’est plutôt dix en réalité. Et quand ils nous disent dix, ça fait un pour cent à l’arrivée. »
Elle sourit, nullement décontenancée.
« Non, non. Cette fois, c’est cent pour cent.
— C’est ça, cent pour cent comme en 2007. »
Elle aussi se souvenait de 2007, quand nous avions traqué l’homme à la djellabah blanche. Jen roula des yeux et fronça les sourcils.
« Ce n’était pas une bonne piste, admit-elle, même si le tuyau provenait d’une source de la CIA. Cette affaire est devenue rapidement incontrôlable. »
Il était agréable d’entendre la CIA reconnaître une part de responsabilité dans la débâcle, mais si l’on y regardait de plus près, elle n’était pas la seule à y avoir contribué. Cette mission avait été plombée par un problème classique : tout le monde voulait y participer. Déjà, la différence entre 2007 et aujourd’hui était manifeste, et cela donnait plus de crédibilité à la mission actuelle.
Jen n’avait pas peur de dire ce quelle pensait aux plus hauts gradés, y compris à l’amiral McRaven. Dès le début, elle avait fait savoir quelle n’était pas très partisane d’une attaque depuis le sol.
« Parfois le JSOC peut être l’éléphant dans le magasin de porcelaine, dit-elle. J’aurais préféré qu’on appuie sur le bon bouton et qu’on lâche les bombes. »
C’était une réaction courante vis-à-vis du JSOC. Beaucoup le détestaient, parmi les militaires mais aussi à l’agence. On ne nous faisait pas confiance parce qu’on ne nous connaissait pas.
« Soyez franche, lui dis-je. Que vous nous aimiez ou nous détestiez, on travaille dans le même cercle de confiance maintenant. On est tous dans la même barque.
— Vous voulez parler du club des garçons, c’est bien ça ? Vous, vous n’arrivez que pour le lever de rideau final. »
Elle avait raison. Cette opération était le fruit de son travail. Elle et son équipe avaient passé cinq années pour nous conduire à ce jour-là. Pour que nous puissions terminer le travail.
« C’est vous qui vous êtes tapé tout le boulot compliqué qui a débouché sur cette mission, lui dis-je. Nous sommes ravis d’avoir notre demi-heure de rigolade et de le terminer.
— Je dois reconnaître, avoua-t-elle, que vous n’êtes pas du tout comme je l’imaginais.
— Vous voyez ? Je vous disais que vous étiez dans le cercle. »
Il faisait nuit lorsque nous avons atterri à Bagram. L’avion a roulé jusqu’à un
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