Ce jour-là
Des rumeurs couraient déjà que quelque chose se tramait, mais ils en avaient ignoré les détails jusqu’à ce briefing.
Will, parlant arabe, avait été le seul de son escadron à avoir été sélectionné pour faire partie de notre commando. Ses coéquipiers formeraient la force de réaction rapide (QRF), en stand by dans deux hélicoptères CH-47 qui seraient appelés en renfort, en cas de problèmes dans la résidence de Ben Laden. Ils allaient aussi installer un point de ravitaillement en carburant au nord d’Abbottabad. Ces CH-47, des hélicoptères énormes – surnommés « bus volants » – transporteraient des conteneurs gonflables remplis de carburant, pour que les Black Hawk puissent refaire le plein sur le vol de retour à Jalalabad.
« Tu as vu la maquette ? » demandai-je à Will.
Nous sommes allés dans la salle de briefing près du centre d’opération. J’ai ouvert les cadenas. Will m’a aidé à soulever le lourd couvercle.
« Waou, dit-il, c’est génial ! » Il s’est penché pour voir la maquette de plus près.
Will avait un physique classique. Il mesurait un mètre soixante-quinze et il était mince. Ce qui le distinguait, c’est qu’il avait appris l’arabe tout seul.
Les SEAL sont une communauté où les liens sont très forts. Cela faisait bizarre de débarquer alors que tout le monde savait que l’escadron sur place aurait très bien pu mener l’opération. La raison qui motivait la mise sur pied d’une unité spéciale était simple : nous étions disponibles quand il avait fallu faire les indispensables répétitions pour vendre l’option aux décideurs de la Maison-Blanche. Les escadrons du commandement étaient interchangeables. Tout revenait à s’être trouvé au bon endroit au bon moment.
« Donne-moi le résumé, me demanda-t-il.
— Nous serons à bord de Chalk One. Notre hélico sera le premier à approcher par le sud-est ; il se mettra en vol stationnaire ici. »
Je lui montrai la cour.
« Nous descendrons à la corde et nous nettoierons ce bâtiment, appelé C1. »
Opération classique, Will a pigé tout de suite. Pendant les heures suivantes, nous avons revu tout le plan et envisagé les incidents qui pourraient se produire. Je lui ai raconté les répétitions qui nous avaient permis de mettre au point le plan. C’était un avant-goût pour Will du travail de préparation qui avait pris des semaines. Passer trois semaines à répéter une mission était très inhabituel. En général, que ce soit en Irak ou en Afghanistan, on nous donnait une mission, on dressait un plan et on la lançait – tout ça en quelques heures.
Le premier bâtiment – le quartier général de notre équipe – continuait à travailler sur le plan et la coordination. Quant à nous, notre matériel était prêt et nous n’avions plus qu’à attendre.
La plupart d’entre nous souffraient d’un trouble du déficit d’attention – en fait on plaisantait beaucoup sur ce prétendu problème psychologique. On savait se concentrer, mais pas très longtemps. Attendre était pour nous la pire des choses. Walt n’arrêtait pas de me casser les pieds. Je n’arrivais même pas à regarder un film tranquillement.
Nous avions nos méthodes et nos manies pour le matériel. On vérifiait et revérifiait tout. Toutes les piles de mes lunettes de vision nocturne et de mes lasers étaient neuves. Mes radios ne quittaient pas le chargeur. Tout était correctement disposé, en ordre. Bottes et chaussettes à côté de mon uniforme plié. Mon kit, un gilet pare-balles avec des poches pour les munitions et le petit matériel, attendait au pied du lit à côté de mon H & K 416.
J’ai pris tout mon temps pour revoir l’ensemble, mais à minuit, l’heure du déjeuner pour nous, il restait encore quelques heures à tuer. Dans ce cas-là, nous allons à la salle de gym. Certains préparent du café, mais pas de l’instantané – du vrai. Un type avait amené une caisse Pélican avec un moulin à café, une cafetière et un assortiment de cafés à faire pâlir Starbuck. Je les ai regardé faire. La confection d’une tasse pouvait prendre une heure. Ils commençaient par moudre les grains, pressaient le café, puis faisaient chauffer l’eau et remplissaient les tasses qu’ils allaient siroter près du feu. C’était un vrai rituel et le temps qu’ils passaient à préparer leur café minutieusement était autant de minutes en moins à ronger son frein.
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