Ce jour-là
Beach. Je croisai la longue file de voitures de ceux qui rentraient après une journée de travail.
Nous avions quelques heures avant le vol, mais j’en avais assez d’attendre. À la maison, la semaine avait traîné en longueur. Rester trop longtemps chez soi rend nerveux. C’était Pâques et j’avais appelé mes parents pour leur demander de leurs nouvelles. Nous avons bavardé, mais je ne pouvais pas leur dire sur quelle affaire j’étais. Pendant que le reste du pays coloriait des œufs de Pâques, nous gardions le plus grand secret de notre vie.
Après la répétition « en costumes » sur la côte Ouest, nous n’attendions plus que l’accord de Washington. Nous avons fait un aller et retour en Caroline du Nord pour parcourir une dernière fois la maquette de la cible, et avons enfin reçu l’ordre de nous rendre à Jalalabad en Afghanistan.
Nous étions encore sceptiques. Personne ne s’excitait ; chacun digérait les nouvelles à sa façon et vaquait à ses affaires. Au moins, nous nous rapprochions du moment où nous allions descendre à la corde sur une résidence d’Abbottabad.
J’ai garé mon véhicule et pris mon sac à dos. Des camarades se dirigeaient vers le quartier général. J’étais certain que les mêmes pensées tournaient dans nos têtes.
Putain de merde, je n’arrive pas à croire qu’ils aient donné leur feu vert.
Je pense que, jusqu’au bout, la plupart n’avaient pas cru que nous irions. D’une certaine manière, c’est un mécanisme de défense. Si effectivement la mission était annulée au dernier moment, nous n’en serions pas trop affectés.
« Ouais, peu importe. J’y croirai quand on sera dans l’appareil, me répondit Walt, avec qui j’entrais dans le hall du bâtiment.
— Il y a quand même de bonnes chances que ça se fasse puisqu’ils nous envoient là-bas. »
L’envoi d’un commando en Afghanistan augmentait les risques de fuite. Le reste du commandement savait très bien qu’il se mijotait quelque chose. Même un petit mouvement de troupe comme celui-ci pouvait faire naître des rumeurs : un groupe des forces spéciales débarquant à l’improviste à Bagram, ça se remarquait.
Dans la salle commune de l’équipe, des types prenaient un dernier repas avant un vol qui s’annonçait long. D’autres bavardaient. Nous étions tous en jean et chemise, notre tenue habituelle en voyage. Nous avions l’air d’une bande de copains qui s’apprêtent à partir en vacances. Si nous avions eu des sacs de golf à la place de fusils et de lunettes de vision nocturne, on nous aurait pris pour une équipe de sportifs professionnels.
Mon équipement pour le raid mis à part, je voyageais léger, ayant juste un peu de linge de rechange, ma trousse de toilette et des tongs dans mon sac. Nous ne resterions pas longtemps. Nous devions nous rendre sur place, attendre deux jours pour nous acclimater, et conduire la mission le troisième.
Des bus nous ont conduits de la base à un aéroport proche. Sur le tarmac nous attendait un énorme C-17 Globemaster, dont les moteurs tournaient au ralenti pendant que les pilotes de l’Air Force faisaient leur check-list. Les mécaniciens d’hélicoptère étaient déjà à bord. Non loin, des représentants de la National Security Agency et des analystes de la CIA restaient entre eux.
Je me sentis à l’aise en m’installant, comme on est à l’aise dans un endroit très familier. En déploiement, les choses se passaient toujours de la même façon. Dans le ventre de l’appareil, notre matériel et l’outillage des mécaniciens étaient attachés au pont par des sangles. Les sièges étaient alignés le long des parois. Je laissai tomber mon sac à dos pour y récupérer mon hamac en nylon vert. Puis je me mis à la recherche d’un endroit où l’accrocher dans la vaste soute. Mes coéquipiers faisaient pareil. C’était ainsi que nous avions l’habitude de voyager, dans le confort d’une position allongée. Nous étions des experts dans l’art de rendre les déplacements aussi peu fatigants que possible.
J’ai finalement attaché mon hamac entre deux conteneurs de matériel. D’autres s’installaient sur les conteneurs, ou dans l’espace dégagé entre les sièges et le chargement. Certains de mes camarades gonflaient des matelas pneumatiques de camping, mais j’étais l’un des rares à utiliser un hamac. On nous les fournissait pour les missions dans la jungle ; j’appréciais de ne
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