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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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    GdG. — Oui, et ça pourrait bien revenir. Tout dépend des chefs, selon qu'ils sont des chefs ou des lavettes.

    « Le rapprochement entre la France et la Pologne, c'est l'amorce »
    AP. — Est-ce que vous aviez été frappé par l'antisémitisme de la population ?
    GdG. — L'hostilité à l'égard des Juifs s'apercevait à vue d'oeil. Les bolcheviks, en avançant, installaient des soviets avec le concours des Juifs du ghetto, et quand ils ont reflué, les Polonais se sont vengés avec des fusillades expéditives et le saccage des ghettos.
    AP. — Les Polonais ont-ils été conscients du coup de main que leur ont donné les officiers français ?
    GdG. — Après coup, je ne sais pas, mais sur le moment, oui. Quand les troupes polonaises se débandaient, tout le monde se demandait : "Que va faire la France ?" Les bobards circulaient : "Foch va arriver", "la France remobilise ". Quand on est Polonais, on a foi dans la France. »
    Quand je reprends ma place, je demande à Couve : « Finalement, le Général verra-t-il le cardinal Wyszynski ?
    Couve. — C'est la question principale. Le cardinal exige de le recevoir dans la primature. Mais les dirigeants polonais s'y refusent. Ils permettraient seulement que le cardinal se rende à notre ambassade, parce qu'ils savent bien qu'il n'acceptera jamais de se déplacer. On a tout essayé. Ils sont aussi intraitables les uns que les autres. Le primat considère que les autorités communistes sont illégitimes, que de Gaulle a tort de les légitimer et que lui-même, s'il acceptait cette rencontre, les légitimerait encore plus. Ça m'étonnerait qu'on puisse trouver un terrain d'entente. Enfin, l'essentiel n'est pas là.
    AP. — L'essentiel, c'est quoi ?
    Couve. — De désengager l'Europe du système des blocs, d'accentuer l'ouverture des pays de l'Est, mais en reconnaissant comme un fait acquis l'intangibilité des frontières. »

    Varsovie, 6 septembre 1967.
    À 16 heures 30, la Caravelle se pose doucement sur l'aéroport d'Okacie. À l'accueil : Ochab, président du Conseil de l'Etat (c'est-à-dire Président de la République), Cyrankiewicz, Premier ministre, Rapacky, ministre des Affaires étrangères. Échange d'allocutions assez convenues. Ce qui ne l'est pas, c'est l'enthousiasme populaire qui se déchaîne bientôt. Le Général se rend au palais Wilanov, qui lui est affecté pendant son séjour. Puis, place de la Victoire, il dépose une gerbe sur la tombe du soldat inconnu polonais. Chaque déplacement attire la foule, spontanée, désordonnée, chaleureuse. On n'a jamais vu ça ici. On n'a jamais vu non plus, et de loin, un tel concours de peuple pour un visiteur étranger, m'assure Druto, l'ambassadeur polonais à Paris : ni depuis la guerre, ni probablement avant. La masse rompt les cordons de police, traverse la file des voitures. Le Général est encerclé. Chacun veutle toucher, toucher un pan de sa veste. Consternation des officiels polonais. Au fil des heures, d'un déplacement à l'autre, comme par l'effet d'un bouche à oreille, la foule augmente.
    À la fin du dîner offert par le Président Ochab, le Général frappe son coup de gong :
    « Le rapprochement entre la France et la Pologne, c'est l'amorce du rapprochement entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, artificiellement séparés ; c'est la confirmation de la détente qui va conduire à l'entente, puis à la coopération. Cette évolution entre nos deux pays ne peut manquer de jouer un rôle d'entraînement en faveur de la paix. »

    « C'est à la Pologne millénaire que j'ai l'honneur de rendre visite »
    Le cardinal Wyszynski fait remettre au Général une lettre par laquelle il lui souhaite la bienvenue, accompagnée d'une plaque gravée représentant la Vierge noire de Czestochowa.
    Arnauld Wapler 4 , avec qui je vais prendre un verre à sa résidence après le dîner officiel, interprète cette lettre, si amicale soit-elle, comme une fin de non-recevoir. Le cardinal est intraitable. Il ne verra pas l'invité de ce régime illégitime, lui, la seule autorité légitime à la tête de la Pologne, lui le successeur des primats qui, à l'époque de la royauté élective, entre la mort d'un roi et l'élection de son successeur, assumaient la charge d'interrex, de roi intérimaire.
    La solution souhaitée par le Général était toute simple : il suffisait qu'il fût à Varsovie pour la messe du dimanche. Il aurait ainsi pu, tout naturellement, saluer le primat dans sa cathédrale, avant ou

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